Politique
Ce 20 mai marque le début d’un nouveau cycle politique en République démocratique du Congo. Félix Tshisekedi a enfin annoncé le nom de « son » Premier ministre, tandis que Moïse Katumbi effectuait son grand retour au pays après trois ans d’exil.
Une double actualité qui rebat les cartes politiques, d’autant que ce retour devrait précéder ceux de Jean-Pierre Bemba et Antipas Mbusa Nyamwisi, deux autres leaders de la coalition politique Lamuka qui a porté la candidature de Martin Fayulu lors du scrutin présidentiel du 30 décembre dernier.
Moïse Katumbi coordinateur, adieu « Vérité des Urnes »
Aujourd’hui, si Félix Tshisekedi peut arborer la ceinture présidentielle, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’a jamais publié le moindre procès-verbal du scrutin pour officialiser cette victoire qui, si elle a été confirmée par la Cour constitutionnelle, laisse sceptique. Le « vrai » vainqueur de ce scrutin, pour les évêques congolais et la plupart des observateurs qui se basent sur des fuites au sein même des dispositifs de la Ceni, c’est Martin Fayulu porté par le soutien de ces trois poids lourds de la scène politique congolaise que sont Katumbi, Bemba et Mbusa Nyamwisi.
Depuis l’annonce du verdict, Martin Fayulu ne cesse de parcourir la RDC et le monde pour revendiquer la victoire et appeler à la démission de Félix Tshisekedi et à la tenue d’un nouveau scrutin.
« Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finit toujours par se lever. Bon retour au pays à Moïse Katumbi », a tweeté Martin Fayulu ce lundi matin.
Moïse Katumbi, lui, devenu le coordinateur de la plateforme Lamuka, transformée en une plateforme politique, n’appelle pas à la démission de Félix Tshisekedi mais martèle qu’il est dans l’opposition avec ses « frères Fayulu, Bemba et Mbusa, notamment ».
Une « opposition républicaine » qui entend soutenir les projets du gouvernement s’ils sont favorables au peuple congolais mais qui entend s’y « opposer de toutes ses forces dans le cas contraire.
Le retour des poids lourds
Avec le retour de ces poids lourds de l’opposition, même s’ils privilégient l’« opposition républicaine », la partie prend une autre tournure. Chacun de ces hommes dispose en effet d’une base régionale très forte et complémentaire. Bemba peut compter sur la province de l’ancien Equateur et d’une partie de l’ex-Province orientale, alors que Mbusa peut se targuer de disposer d’une base solide dans le Nord-Kivu et la partie orientale de l’ex-Province orientale. Moïse Katumbi, lui, fait main basse sur le Katanga et peut compter sur une assise nationale, tandis que Fayulu a profité du scrutin présidentiel pour asseoir son aura à Kinshasa, dans le Bandundu et un peu partout dans le pays.
Depuis le 10 janvier et l’annonce de la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle et du FCC, la plateforme de Kabila, aux législatives nationales et provinciales, le peuple congolais est resté amorphe. La cacophonie entre leaders de second rang de l’opposition a joué en faveur du duo Tshisekedi-Kabila, FCC-Cach (la plateforme de Tshisekedi et Kamerhe).
Sylvestre Ilunga, le FCC a son Premier ministre
Fayulu, même s’il mobilisait les foules, paraissait bien seul face à la machine du pouvoir kabiliste. Le retour de Katumbi, la liesse populaire qu’il a suscitée, démontre que la population n’est pas résignée. Tout pourrait donc devenir plus difficile pour le duo Cach-FCC.
Hasard du calendrier, c’est ce lundi aussi que le ministre français des Affaires étrangères passait par Kinshasa. Jean-Yves Le Drian n’avait pas été tendre avec le processus électoral congolais à l’annonce de la victoire de Félix Tshisekedi. Plus de 4 mois plus tard, le ton a changé. Le ministre a annoncé un « investissement » de 300 millions dans divers programmes d’aide à la population congolaise pendant tout le mandat de Félix Tshisekedi.
Le président Macron, qui avait été un des premiers chefs d’Etat à rencontrer Félix Tshisekedi lors d’un déplacement au Kenya à la mi-mars, avait aussi été un des premiers à demander à son collègue congolais de s’émanciper de la tutelle de Joseph Kabila.
Un message porté par les Etats-Unis et par plusieurs Etats européens qui espèrent pouvoir défaire sans trop de vagues les accords et les accomodements qu’ils ont laissé faire sur le dos de la démocratie.
Félix Tshisekedi avait aussi dit qu’il comptait « déboulonner » le système Kabila lors de son voyage aux Etats-Unis au début du mois d’avril. Un mois et demi plus tard, le bilan est sans appel : le FCC de Joseph Kabila dispose toujours de tous les leviers du pouvoir. Les gouverneurs et les assemblées provinciales lui sont pratiquement tous acquis, une de ses protégées, Jeannine Mabunda, a été élue au perchoir de l’Assemblée nationale et, ce lundi, le FCC a désigné « son » Premeir ministre. Certes, il ne fait pas partie des trois noms remis à Félix Tshisekedi par Joseph Kabila, mais le septuagénaire katangais, Sylvestre Ilunga, à l’instar d’un Mende de l’ombre, est un ancien mobutiste recyclé en kabiliste. Tout sauf un ami de l’UDPS et des Tshisekedi.
Félix Tshisekedi n’a pas eu voix au chapitre. Tout au plus a-t-il pu s’opposer au premier choix de Kabila, Albert Yuma, persona non grata pour l’administration américaine. Le FCC, et plus particulièrement le PPRD, le parti de Kabila, occupe donc une nouvelle fonction essentielle, en attendant la désignation de la présidence du Sénat qui semble promise à Alexis Thambwe Mwamba, cacique de la kabilie qui cherche à se garantir une immunité politique de poids, surtout qu’il sait que la justice américaine a, notamment, un dossier contre lui et Kalev (l’ancien patron des renseignements) pour arrestation et torture d’un ressortissant américain en 2016.
Tension au FCC, frustration à l’UDPS
Seul Modeste Bahati, le patron de l’AFDC et de la deuxième composante politique du FCC pourrait être en mesure de contester éventuellement ce monopole du PPRD. Mais personne n’y croit vraiment.
Il n’empêche les sorties de Modeste Bahati sur sa détermination à obtenir au moins un poste de première importance commencent à irriter certains pontes du PPRD qui ne veulent pas entendre parler de partager le « gâteau » du pouvoir. Pour eux, les concessions faites au couple Tshisekedi-Kamerhe sont déjà bien trop importantes même si les partis qui constituent la coalition Cach n’ont jamais disposé d’aussi peu d’élus que depuis le scrutin de décembre.
Une situation qui n’émeut guère la garde rapprochée de Félix Tshisekedi, trop contente de goûter aux fruits du pouvoir mais qui lassent de nombreux membres de la base de l’UDPS qui, l’euphorie de la victoire passée, se rendent compte que leur victoire a en réalité le goût des lendemains qui déchantent. L’UDPS et son unique sénateur résonnent pour eux comme une tromperie.
Tshisekedi coincé entre deux blocs
D’un côté, la mainmise du FCC sur tous les organes de l’Etat. De l’autre, le retour des opposants les plus emblématiques, Tshisekedi semble bien isoler entre ces deux camps. Les Etats-Unis espèrent qu’il va pouvoir faire bouger les lignes. Certains évoquent l’article 148 de la Constitution congolaise qui permet au président de destituer les chambres après une année de pouvoir en cas de conflits persistants entre le Premier ministre et les Chambres. Mais avec un Premier ministre – trop heureux d’être là – issu de la même formation politique que les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, ce scénario relève de la science-fiction.
Plusieurs constitutionnalistes préfèrent souligner le « risque » de l’article 166 de cette constitution qui stipule que « la décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement ». Une majorité qui est très largement entre les mains du FCC.
En face, si l’opposition ne parle pas d’une même voix, les cadors sont conscients qu’ils n’ont rien à gagner d’un flirt trop appuyé avec un président aussi nu que Tshisekedi. Tous répètent que Kabila est leur principal adversaire mais tous sussurent aussi que sans la « trahison » de Tshisekedi et Kamerhe après la réunion de l’oppositon de Génève, en novembre dernier, le cas Kabila aurait été définitivement traité en décembre dernier.
En acceptant de nommer le Premier ministre Sylvestre Ilunga, Tshisekedi respecte la Constitution et… la volonté de Kabila. La personnalité assez neutre et sans relief de Sylvestre Ilunga, jamais apparu comme un kabiliste zélé, lui offre un peu de répit mais ne lui confère pas un statut de président « déboulonneur ».
La décrispation n’est pas pour tout le monde
Une nouvelle polémique est née ce lundi après l’atterissage de Moïse Katumbi à Lubumbashi. L’absence de Salomon Kalonda Della, le conseiller privé du « gouv » a surpris tout le monde. Quelques heures plus tard, on apprenait que Salomon Kalonda Della s’était vu refuser la délivrance de son nouveau passeport congolais, contrairement à son chef. Des démarches ont éte entreprises tout le week-end pour tenter d’obtenir le sésame mais rien n’y est fait.
La décrispation politique tant vantée par la présidence de la République ne semble pas s’appliquer à tous…
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