Société
L’application sur terrain de la gratuité de l’éducation de base a réveillé chez plusieurs personnes les démons oubliés ou enfouis dans l’inconscience collective des Congolais. Si la grande majorité des parents d’élèves, en pensant aux privations des années passées, se sont sentis soulagés à l’idée de voir leurs enfants étudier gratuitement et pouvoir réaliser des économies de ménage qui pourraient avantageusement booster leur épanouissement, par contre, les gestionnaires des écoles conventionnées (catholiques, protestantes, kimbanguistes etc.) et les chefs des bureaux gestionnaires de l’ESPT qui demeurent les principaux bénéficiaires de la prise en charge des enseignants par les parents d’élèves (aussi nommée système de motivation des enseignants) n’ont que des cauchemars.
Il n’est pas facile de voir s’envoler en fumée des milliers de dollars américains qu’on pouvait facilement amasser par année scolaire. Des insomnies et des maux de tête qui s’en sont suivis ont engendré les incitations aux débrayages et au torpillage de la gratuité de l’enseignement fondamental. C’est à travers cette contradiction que la secrétaire générale de Syeco (Syndicat des enseignants du Congo), Cécile Tshiyombo, perçoit les origines des difficultés qui handicapent l’application de cette gratuité.
En effet, elle accuse les responsables d’églises – dont les églises catholique, protestante, kimbanguiste – de favoriser le sabotage de la gratuité pour des raisons de sauvegarde des acquis matériels générés par la motivation. Elle regrette que les enseignants dits de grandes écoles conventionnées aient toujours refusé d’aller en grève lorsque les syndicats réclamaient par des débrayages l’abolition de la «motivation» pour revaloriser cette profession.
Que l’Etat récupère la gestion des écoles conventionnées
Aujourd’hui, elle est étonnée qu’une fois le gouvernement a entamé cette revalorisation de la profession enseignante, ces «grandes écoles» déclenchent des grèves égoïstes, alors que le premier pallier des salaires payés a vu le doublement des salaires (y compris des primes payées par les parents). Face aux 499.000 enseignants que compte la RDC, elle s’est demandé ce que représentent les grévistes de écoles conventionnées. Enfin, elle a rappelé la position de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) en 20O4, où elle réclamait l’abolition de la «prise en charge des enseignants par les parents d’élèves» et exigeait que l’Etat lui-même s’occupe de la paie de ses agents, car les parents souffrent et sont chômeurs ou sous-payés.
Pour terminer, elle a demandé à l’Etat de récupérer effectivement la gestion de toutes les écoles conventionnées et d’accorder des agréments aux églises qui voudraient créer leurs écoles privées. Les enseignants n’auront alors qu’à choisir pour les écoles privées ou demeurer dans le secteur public de l’enseignement.
Mémorandum des Evêques de l’Eglise Catholique de la République Démocratique du Congo au Ministre de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel
Excellence Monsieur le Ministre,
Interpellés au plus profond de notre conscience de pasteurs d’un peuple qui ne cesse de crier sa misère et plus particulièrement d’une jeunesse dont l’avenir nous préoccupe beaucoup, nous prenons la liberté de vous adresser le présent mémorandum, expression de notre sincère compassion.
En effet, réuni en Assemblée plénière du 30 août au 10 septembre 1993, l’Episcopat de l’Eglise Catholique de la République Démocratique du Congo, devant la situation scolaire qui prévaut dans le pays, avait levé l’option qu’il considérait comme le moindre mal, celle de voir les écoles fonctionner, moyennant la contribution des parents.
Cette alternative que on avait crue provisoire à l’époque, a été tacitement institutionnalisée pour le plus grand malheur des parents, de leurs enfants, des enseignants et de tout notre système éducatif.
Depuis dix ans maintenant, malgré quelques aspects positifs de ce système, notamment :
• Le désamorçage des années blanches ;
• Le fait d’avoir évité à l’élève le vagabondage, la délinquance, la dépravation des mœurs pendant les années de grève ;
• L’interpellation des parents dans la responsabilité qui leur incombe d’éduquer leurs enfants ;
• Le soulagement de la misère de certains enseignants, surtout en ville et dans les grands centres.
Des voix n’ont cessé de stigmatiser le système à cause des aspects négatifs suivants :
• La démission tacite de l’Etat devant ses responsabilités ;
• L’essoufflement financier des parents et/ou l’incapacité des parents de continuer à prendre en charge les enseignants, car eux-mêmes pour la plupart impayés ou sans emploi ;
• La détérioration ; voire le mépris de la condition sociale de l’enseignant ;
• La régression du niveau de l’enseignement ;
• La baisse d’années en années, du taux de scolarisation ;
• La marginalisation ou la privation des enfants des familles pauvres, majoritaires dans notre pays, du droit élémentaire et sacré à l’éducation ;
• Le favoritisme des enfants des familles riches par l’enseignement de qualité.
Etant donné la gravité de ces maux qui rongent continuellement notre système éducatif et hypothèquent ainsi lourdement l’avenir de notre jeunesse ;
Considérant que la situation salariale de l’enseignant constitue l’un des éléments moteurs pour le redressement de notre appareil éducatif ;
Attendu que presque tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays n’ont réalisé aucune de leurs promesses, tout en soutenant paradoxalement que l’éducation est la priorité des priorités.
Nous, Cardinal, Archevêques, Evêques et Administrateurs diocésains, réunis en Assemblée Plénière du 28 juin au 3 juillet 2004, vous informons que nous mettrons fin au système de la prime accordée aux enseignants par les parents, dans les écoles conventionnées catholiques, à dater du 31 décembre 2004 et demandons au Gouvernement de Transition que vous représentez de bien vouloir payer aux enseignants un salaire décent, équitable et régulier.
En tout état de cause, nous déclinons toute responsabilité devant les réactions que pourrait engendrer l’indifférence de l’Etat face à la présente requête.
Tout en restant ouverts au dialogue pour une éventuelle solution concertée, nous vous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération.
Fait à Kinshasa,
le 3 juillet 2004
Pour la Conférence Episcopale Nationale du Congo
L. MONSENGWO PASINYA
Archevêque de Kisangani et Président de la CENCO
C.I. A.S.E. Monsieur le Vice-président de la République en charge de la Commission sociale et culturelle
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