Monde
L’Etat du Missouri veut traîner la Chine en justice et les «class actions» se multiplient aux Etats-Unis. Mais ces plaintes ont très peu de chances d’aboutir
C’est tentant. Face à l’immensité des pertes humaines et économiques provoquées par la pandémie de Covid-19, qui s’est propagée depuis la Chine, les appels se multiplient pour demander des comptes à Pékin. Dernier épisode en date, le procureur général de l’Etat du Missouri, dans le centre des Etats-Unis, a annoncé mardi le dépôt d’une plainte contre la Chine. Le procureur, issu du Parti républicain du président Donald Trump, affirme agir au nom des habitants du Missouri, qui ont subi une «énorme perte de vie, une souffrance humaine et un désastre économique». L’Etat recense plus de 6000 cas de Covid-19 et plus de 200 morts.
«Durant les premières semaines de l’épidémie, les autorités chinoises ont trompé le public, censuré des informations cruciales, arrêté des lanceurs d’alerte, nié une transmission humaine malgré les évidences de plus en plus claires, détruit des recherches médicales, exposé des millions de personnes et même gardé en stock des équipements de protection, causant une pandémie globale qui aurait pu être évitée», peut-on lire dans cette plainte, la première d’une collectivité publique. Mercredi, un porte-parole du Ministère chinois des affaires étrangères a qualifié cette action judiciaire d’«absurde», soulignant que les mesures prises par la Chine «n’étaient pas du ressort des tribunaux américains».
«Aucun tribunal compétent»
«Il n’existe aucun tribunal international compétent pour qu’un Etat puisse introduire une requête contre la Chine», estime Marcelo Kohen, professeur de droit international à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID). L’instance chargée de régler les différends entre Etats, la Cour internationale de justice, doit obtenir le consentement des pays pour trancher leur dispute. Or ni la Chine, ni les Etats-Unis ne reconnaissent la compétence de la cour. Quant à la Cour pénale internationale, elle ne poursuit que des individus. Accuser le président chinois Xi Jinping de crime contre l’humanité? Là encore, Washington et Pékin n’ont pas ratifié le statut de Rome, excluant toute compétence de la cour.
Autre voie possible, les class actions, des actions collectives civiles lancées par des avocats américains, qui se sont multipliées outre-Atlantique. Plusieurs d’entre elles ont été déposés devant des tribunaux de Floride, du Nevada ou de la Californie. Mardi, à New York, certains plaignants ont aussi attaqué l’Organisation mondiale de la santé (OMS), basée à Genève, accusée d’avoir minimisé la gravité de l’épidémie pour couvrir la Chine.
«Des réclamations individuelles auprès des tribunaux internes n’ont aucune chance d’aboutir, car la Chine peut invoquer son immunité de juridiction, et même si un juge s’attribue compétence et condamne la Chine, sa décision ne pourrait être exécutée», tranche Marcelo Kohen.
Un débat très politisé
Le débat sur la responsabilité de Pékin est le plus vif aux Etats-Unis, désormais pays le plus touché par la pandémie. A la Maison-Blanche, le président Donald Trump évoque régulièrement un «virus chinois». L’Australie, un allié des Etats-Unis, est aussi montée au créneau, demandant une «enquête internationale indépendante» sur la genèse de l’épidémie. Une investigation qui ne devrait pas être confiée à l’OMS, car ce serait «un peu comme (être) braconnier et garde-chasse», selon les mots, dimanche, de la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne. Beaucoup plus mesurée, la chancelière allemande Angela Merkel a elle aussi demandé lundi davantage de transparence à Pékin, se gardant bien d’évoquer des réparations.Lire aussi: Une épée de Damoclès financière sur l’OMS
Des chiffres astronomiques ont déjà été articulés. Début avril, la Henry Jackson Society, un think tank conservateur britannique, avait articulé la somme de 3000 milliards de dollars, soit le montant des aides consenties par les seuls gouvernements des pays du G7 pour sortir de la crise. «Nous voulons que le monde libre obtienne réparation pour les dégâts révoltants causés par le Parti communiste chinois, car il n’a tiré aucune leçon de ses échecs lors de l’épidémie de SRAS en 2002 et 2003», écrit Matthew Henderson. Le think tank propose dix pistes légales, au sein de l’OMS ou en actionnant des tribunaux à Hongkong, où la justice est plus indépendante. Mais il reconnaît que cela sera très difficile.
Agir collectivement
Plus fondamentalement, Marcelo Kohen pointe que «s’il y a eu négligence de la part de la Chine, on pourrait dire la même chose de pratiquement tous les gouvernements du monde». Le professeur de droit craint une «guerre judiciaire tous azimuts» pour faire payer à d’autres pays le coût de la crise.
Selon lui, il n’y a pas de précédents de réparations imposées à des pays depuis lesquels se sont propagés des virus. «Commencer à faire le procès aux Etats où les épidémies ou pandémies se sont déclenchées, c’est se tromper de cible. Plutôt que de chercher des boucs émissaires, il vaudrait mieux agir collectivement pour faire face à ce genre de situation qui affecte l’humanité tout entière. Il faut renforcer les compétences de l’OMS plutôt que de chercher à la détruire», conclut Marcelo Kohen.
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