Economie
Le géant d’Afrique centrale cherche les voies et moyens de relancer son économie pour mieux résister aux conséquences de la pandémie de Covid-19.
Le début de 2021 s’annonce encore difficile pour l’économie congolaise. Il y a beau avoir une forte activité ces jours-ci dans les grandes artères de la capitale, Kinshasa, preuve de la résilience des Congolais, mais il ne faudrait pas s’y tromper. La pandémie de Covid-19 et les autres épidémies de maladies infectieuses ont pesé lourdement sur les performances économiques et budgétaires du pays l’an passé. Dans une note publiée le 8 février, l’agence de notation S & P Global Ratings se veut optimiste, mais prudente.
L’actualisation de l’analyse de la RD Congo a dégagé de grandes tendances : « En 2021, nous nous attendons à ce que les effets de la pandémie continuent à se faire sentir […] même si la croissance devait connaître une reprise, indique cette note diffusée à la presse. Une aide financière importante accordée d’urgence par des partenaires bilatéraux et multilatéraux continue à être vitale pour atténuer l’impact du Covid-19 et permettre aux autorités de mobiliser des ressources suffisantes pour contenir la pandémie. »
Seul bémol, les experts de S & P anticipent des « difficultés entourant la prise de décisions politiques ». Le gouvernement du président Félix Tshisekedi est en pleine recomposition après que le chef de l’État a mis fin à la coalition qu’il formait avec son prédécesseur Joseph Kabila. Le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, et l’ensemble du bureau de l’Assemblée nationale ont été destitués, le président du Sénat vient tout juste de démissionner et le président fort d’une nouvelle majorité doit se trouver un nouveau chef de gouvernement.
En attendant, la situation économique demeure préoccupante. « Une nouvelle majorité parlementaire aiderait le président à appliquer son programme. Mais les risques restent grands, et nous anticipons que la prise et l’application des décisions politiques continueront d’être très difficiles », écrit S & P. Les autres agences Moody’s (Caa2) et Fitch (CCC) ont donné des notes souveraines plus sévères que S & P. L’américain avait maintenu la note de la RDC à CCC + (niveau de risques « substantiels » sur la dette) en juillet dernier.
Les bailleurs internationaux à la rescousse
Après les bonnes performances économiques de 2019 (+ 4,4 %), la pandémie a plongé la RDC en récession l'an dernier avec une contraction de la croissance d'environ 2 %. Le géant d'Afrique centrale a souffert d'une baisse de la demande extérieure, notamment du secteur minier et des perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales.
Le FMI a débloqué environ 442 millions de dollars en avril 2020, les autorités ont mis en œuvre une série de mesures pour atténuer les conséquences humaines et économiques de la pandémie. En juin, les autorités ont lancé un programme d'atténuation des impacts du Covid-19 sur neuf mois visant à renforcer le système de santé, à stabiliser l'économie et à améliorer la sécurité et la protection sociale.
Pour que l'économie congolaise réussisse à dépasser ces difficultés, l'agence de notation insiste sur l'accélération de soutiens financiers internationaux. « Une aide financière extérieure d'urgence sera cruciale dans ce contexte » ainsi qu'une mise en œuvre des réformes économiques structurelles.
Le pari de la Zlecaf
En interne, le pays pari sur la future zone de libre-échange continentale, la Zlecaf. Soutenu par le chef de l'État, le projet de loi portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine a été approuvé par l'Assemblée nationale. Ce qui devrait permettre au pays d'ouvrir son marché. La RDC partage ses frontières avec neuf autres pays.
Au centre du continent, il occupe une place géostratégique à part. « Cet accord va stimuler l'économie congolaise et la rendre plus compétitive compte tenu de la position géostratégique du pays », estime l'économiste Fabrice Kilolo. Cependant, il suggère à l'État congolais « de combler rapidement le vide ou le retard de compétences technologiques, voire d'améliorer ses infrastructures routières au risque de devenir un marché d'importation ».
Dans un autre registre, alors que la RDC est le plus grand pays d'Afrique subsaharienne, avec une population très jeune, la moitié des plus de 80 millions d'habitants ayant moins de 20 ans, Luc Yaba juriste et expert économiste pense que l'adhésion de la RD Congo à la Zlecaf pourrait aussi stimuler l'emploi des jeunes et encourager à réduire progressivement la place accordée aux ressources extractives.
« Le secteur minier est le principal moteur de l'économie congolaise, car il représente jusqu'à 95 % des exportations du pays et la situation budgétaire et économique de la RD Congo dépend des aléas des cours des produits miniers sur le marché international, ce qui est dangereux pour le pays et son avenir économique. »
La corruption, une plaie chronique
Professeur Emmanuel Luzolo Bambi Lessa
Les plus réticents pointent la corruption, principal frein au décollage économique de la RD Congo. « La corruption fait perdre chaque année au Trésor public 15 à 20 milliards de dollars », a expliqué le professeur Luzolo Bambi, conseillé de l'ancien président Joseph Kabila. Juste après son élection en janvier 2019, le président Tshisekedi s'est engagé à éradiquer ce fléau en créant l'agence anticorruption et en relançant l'Inspection générale des finances, une structure d'audit du gouvernement rattachée à la présidence de la République. Mais le scandale de détournement des fonds alloués à son programme dit « de 100 », impliquant son allié et ex-directeur de cabinet Vital Kamerhe, condamné au mois de juillet dernier à vingt ans de prison, a jeté un discrédit sur ses velléités dans la lutte contre la corruption.
Dernièrement, la Banque mondiale a suspendu un financement de 100 millions de dollars en faveur de la gratuité de l'enseignement après des révélations de fraudes, a indiqué début février l'institution financière internationale dans un communiqué. En juin, la Banque mondiale a approuvé un financement de 800 millions de dollars pour soutenir la gratuité de l'enseignement primaire public en RDC, le grand projet du président Félix Tshisekedi lancé en septembre 2019. En novembre, l'Inspection générale des finances (IGF) a rendu public un rapport qui a révélé l'existence de listes gonflées d'enseignants fictifs dans des écoles inexistantes, de fausses factures, ainsi qu'un détournement présumé de 62 milliards de francs congolais (31 millions de dollars).
Dans cette enquête, l'IGF a signalé « des manquements, notamment des cas de fraude et de détournements de fonds publics, ainsi que des faiblesses dans les contrôles internes », selon le communiqué de la Banque mondiale. « Tenant compte de ces conclusions, le décaissement prévu au mois de décembre a été reporté à une date ultérieure », a annoncé la représentation de cette institution en RDC. Il s'agit d'une première tranche de 100 millions de dollars.
À sa mise en place, le coût de la gratuité de l'enseignement public avait été évalué à 2,6 milliards de dollars, soit une bonne partie du budget de l'État (6,8 milliards de dollars en 2021). « La tolérance zéro face à la corruption est une des raisons majeures de croire en une résurrection de cette économie en berne », fait savoir Jonathan Maraco, activiste prodémocratie. Et d'ajouter : « Ces milliards de dollars qui vont dans les poches d'individus, une fois réorientées dans les caisses du Trésor au travers des mécanismes efficaces de lutte contre la corruption, contribueront à améliorer le budget de l'État et par ricochet à créer des emplois. »
Mais comme S & P, les experts et les Congolais attendent de voir les dernières évolutions politiques, notamment, l’issue du remaniement en cours, gage d’un nouveau départ pour une économie congolaise trop souvent victime des crises politiques récurrentes. « Il faut que les différentes institutions soient rassurées et travaillent en coordination pour le bien du peuple congolais, car sans la paix, sans sécurité, il n’y a pas développement », insiste l’économiste Fabrice Ndungi. « Quel investisseur viendrait s’installer dans un pays instable et où l’insécurité bat son plein ? »
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