Economie
Faisant suite à la signature, du 24 février 2022, du Protocole d'accord entre la RDC et Dan Gertler, mettant fin à une affaire d'arbitrage international intentée par le milliardaire israélien et ayant permis à la RDC de récupérer des actifs pétroliers et miniers détenus par le Groupe de Ventora (la société holding de Gertler), la République Démocratique du Congo soutiendra les efforts du milliardaire israélien Dan Gertler de se voir retirer de la liste des sanctions américaines.
Dan Gertler a été sanctionné en 2017 par le Département du Trésor américain pour « des centaines de millions de dollars d'accords miniers et pétroliers opaques et corrompus » en RD Congo sous l’administration du président Joseph Kabila.
Selon André Wameso, directeur de cabinet adjoint (Dircaba) du président Félix Tshisekedi pour les affaires économiques, aux termes de l'accord, le milliardaire israélien restituera à l'État congolais des actifs d'une valeur potentielle de plusieurs milliards de dollars en échange du remboursement des dépenses et de l'aide de la RDC dans sa démarche de mettre fin à ces sanctions. Le Dircaba a refusé de fournir une copie de l'accord, invoquant une clause de confidentialité. Un porte-parole de la société holding de Gertler, Ventora, a également refusé de fournir une copie, affirmant que sa publication relevait de l’Etat congolais et que Gertler soutenait la décision prise par le gouvernement.
« Nous dirons aux Américains que nous n'avons plus de problème avec M. Gertler », a déclaré Wameso dans une interview à l'agence de presse économique et financière Bloomberg, la semaine dernière. « Il n'y a aucune obligation » pour la RD Congo de retirer Gertler de la liste des sanctions pour que le reste du protocole d’accord prenne effet, a-t-il fait savoir.
Wameso: « Les sanctions américaines ont aidé Gertler à négocier »
Dan Gertler est arrivé en RD Congo pour la première fois en 1997 et a noué une amitié avec l’ancien président Joseph Kabila qui a conduit à des milliards de dollars d'investissements dans les minerais et le pétrole. Il a travaillé en étroite collaboration avec les géants miniers tels que Glencore et Eurasian Natural Resources Corp. (ENRC) – dans le cadre du règlement à l’amiable signé en février, il conservera ses flux de redevances lucratifs dans les projets de cuivre et de cobalt appartenant à ses sociétés.
La relation de Gertler avec les deux entreprises a causé des problèmes aux trois parties. Outre les complications causées par la continuité des relations d’affaires de ses entreprises avec une personne sanctionnée, ENRC et Glencore font toutes deux face à des enquêtes du UK Serious Fraud Office (l’agence anti-fraude du gouvernement britannique) sur leur conduite en RDC. L’entreprise suisse Glencore fait également l'objet d'une enquête du ministère américain de la Justice pour laquelle elle déclare être en coopération avec les autorités américaines. De son côté le conglomérat minier Kazakhe, ENRC, nie tout acte répréhensible et déclare n'avoir pas été inculpé.
Le milliardaire israélien a également nié les actes répréhensibles dont on l’accuse et affirme aussi n’avoir jamais fait l’objet d’accusation devant la justice. Ainsi, un porte-parole de Ventora a déclaré que les paiements des royalties à Dan Getler pour le projet Metalkol d’ERG et les mines Mutanda et KCC de Glencore ont été acquises « de manière tout à fait normale ».
Récupération d'actifs pétroliers et miniers détenus par le Groupe Ventora
En plus des deux blocs pétroliers, Gertler renonce également aux droits sur les permis d'or et de minerais de fer pour environ 254 millions de dollars en compensation des dépenses, a déclaré M. André Wameso le mois dernier.
« Toujours dans le cadre de cet accord, Gertler paiera environ 249 millions d'euros à la Gécamines pour des royalties mais qui sera principalement compensé par un prêt que la Gécamines a contracté auprès de Gertler en 2017 et qui est maintenant évalué à 192 millions d'euros avec intérêts », a expliqué le Dircaba.
« Cet accord a un coût considérable d'environ 2 milliards de dollars pour M. Gertler et ses entreprises. Mais, garantit également que des actifs à fort potentiel ne soient pas laissés dans les limbes procédurales de l'arbitrage international, ce qui n'est dans l'intérêt de personne », a déclaré le porte-parole de Ventora.
« Les sanctions américaines ont aidé Gertler à négocier », à fait savoir André Wameso. « Dan Gertler n'a pas fait ça parce que c'est un ange. Il l'a fait parce qu'il était également sous sanctions et qu'il était dos au mur », a-t-il renchérit avant de conclure qu’il aimerait « que les USA sanctionnent plus de gens comme ça. Cela aiderait la RDC à conclure le même règlement à l'amiable qu'elle a conclu avec Dan Gertler et à récupérer ses actifs. »
Des objections de la part de la Société civile
Néanmoins, la Société Civile congolaise reste diviser sur cet accord. Une trentaine de représentants de diverses ONG qui ont rencontré André Wameso et d'autres conseillers à la présidence pour discuter de l'accord au début du mois ont signé un document à l’issue des travaux de la Table Ronde du 13 au 14 avril 2022 organisée par la Présidence qui, pour la plupart, était largement favorable à l'accord. D'autres qui ont assisté à la réunion ont cependant rejeté ce règlement à l’amiable comme étant trop généreux pour Dan Gertler et ont critiqué le gouvernement pour ne pas l’avoir publié.
Ainsi, l’ONG, « Le Congo n'est pas à vendre », dans un communiqué datant de la semaine dernière, a qualifié certaines parties du protocole d’accord avec Ventora de « quasi immorales » affirmant que « l'accord n'inclut aucune compensation pour les énormes pertes et dommages antérieurs subis par la RDC à la suite des actes de corruption pour lesquels M. Dan Gertler a été sanctionné »; les pertes qu'elle calcule à près de 2 milliards de dollars.
« Le refus de publier cet accord par le gouvernement risque de créer un précédent auquel d'autres entreprises pourront se référer comme un modèle pour ne pas publier d'accords à l'avenir », ont déclaré les membre de la « Coalition pour la Gouvernance des Entreprises publiques (COGEP) »
Certes, « la loi congolaise exige la publication des contrats relatifs aux ressources naturelles, mais pas un règlement dans une affaire d'arbitrage », a justifié le Dircaba.
Quant à Ventora, elle a affirmé via son porte-parole que « La divulgation complète de l'accord appartient au gouvernement de la RDC, qui est un pays souverain » et que « Nous soutiendrons toute décision prise par la RDC. »
Un accord à géométrie variable
Néanmoins, un certain nombre d'actifs que possédait Dan Gertler ne sont pas inclus dans l'accord, notamment des droits sur des projets de zinc, de cuivre et de manganèse que le porte-parole de Ventora a déclaré avoir vendus auparavant, le laissant sans actifs physiques dans le pays mais n’a pas fourni plus de détails sur les ventes.
Toutefois, le protocole d’accord contient une clause qui permet à la RD Congo de poursuivre d'autres projets appartenant à Dan Gertler s'il s'avère qu'ils n'étaient pas inclus dans l'accord signé en février.
« Si nous découvrons qu'il existe d'autres actifs miniers qui ne faisaient pas partie de l'accord, il y aura un nouvel accord pour reprendre ces actifs » ,a déclaré André Wameso.
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