Société
Les derniers propos de Justin Bitakwira contre la communauté tutsi Banyamulenge du Sud-Kivu ont choqué tant à Kinshasa, à Bukavu, à Uvira, à Kigali qu’à Bruxelles. Outre la communauté tutsi et le régime de Paul Kagame qu’il a énergiquement mitraillés, Bitakwira n’a pas ménagé ses frères Bashi qu’il accuse de complicité avec les « envahisseurs ».
Convoqué au parquet près la Cour de cassation jeudi 20 juillet pour le même dossier, le député honoraire est retourné chez lui en homme libre. Ne se reprochant de rien, le notable du Sud-Kivu a révélé à la presse qu’il a dit aux magistrats instructeurs qu’il ne saurait répondre à leurs différentes questions s’ils n’ont pas encore lu le livre : “Holocauste au Congo” de Charles Onana. “[…] Je leur ai dit que quand vous aurez lu ce livre, nous aurons la même compréhension, sinon dans le cas contraire, on risque de parler entre quelqu’un qui a des yeux et une borne”, a-t-il dévoilé. Serein, mais surtout calme, l’ancien ministre du Développement rural martèle qu’il n’a fait que commenter ce qui est écrit dans le livre de l’écrivain franco-camerounais.
Heureusement pour lui, a-t-il ajouté, il a été compris par ses instructeurs. “J’ai été compris, alors il est question de leur donner peut-être une ou deux semaines qu’ils terminent de lire ce livre que je n’ai fait que paraphraser le long de mon émission. En ce moment-là, ils comprendront effectivement ma mission de pouvoir informer, d’éclairer la lanterne de l’opinion congolaise et de l’opinion internationale sur la tragédie que le Rwanda de Kagame commet depuis 20 ans ou même plus en République démocratique du Congo”, a-t-il fait remarquer.
Néanmoins, Bitakwira a prévenu que la RDC risque de revenir dans la période de la colonisation sans le savoir. “Parce que quand on voit un ambassadeur de surcroît, qui n’a que le ministre des Affaires étrangères comme accréditeur, commencer à donner les injonctions aux membres du gouvernement, ça, c’est un danger public”, s’est-il inquiété.
Propos jugés extrémistes
Les propos du petit-fils de sa “grand-mère” ont raisonné jusqu’aux extrémités de la planète. Sévère, dur et intraitable, Justin Bitakwira s’est chargé de disséquer systématiquement ce qu’il a qualifié de « projet de désintégration » de la République démocratique du Congo par les Occidentaux via le Rwanda. Dans un entretien avec le journaliste congolais Israël Mutombo de la télévision « Bosolo Na Politik », l’ancien ministre de Développement rural a aussi chargé la communauté « Shi » (Bashi) du Sud-Kivu pour, selon lui, avoir participé naïvement à l’envahissement du Congo. Se référant à la sagesse Fuleru (Kifuleru) qui renseigne que « c’est la souris domestique qui sert de guide à la souris sauvage pour pénétrer la maison », Bitakwira a lourdement accusé les Bashi d’être à la solde des agresseurs.
L’Union européenne condamne et alerte le gouvernement
Incitation à la haine tribale, la délégation de l’Union européenne qualifie les propos de Justin Bitakwira d’incitation à la violence interethnique. Jean-Marc Châtaigner a, dans une correspondance adressée à la ministre d’État, ministre de la Justice, exprimé son indignation face au comportement récidiviste de Justin Bitakwira aujourd’hui sous la liste des mesures restrictives de l’UE. “Lors de l’interview, M. Bitakwira a tenu des propos obscènes à l’égard des peuples autochtones et des propos haineux à l’égard des membres de la communauté tutsi congolaise”, accuse le chef de la délégation de l’Union européenne, à Kinshasa, qui rappelle cette citation de Justin Bitakwira : “Un tutsi est un criminel né ” ; “ils sont tous pareils. Quand tu vois un tutsi, un criminel. Quand il est en position de faiblesse, il peut dormir pendant six mois sous ton lit. Et quand il prend la position de force, il va te dire qu’il ne t’a jamais vu pourtant, il a dormi six mois sous ton lit. Je me pose toujours la question de savoir si leur créateur, ce n’est pas celui qui a créé le diable. Je n’ai jamais vu une race aussi méchante”, avait sérieusement dégainé le leader de l’ARDCN. Des propos incendiaires qui troublent l’unité nationale et sont susceptibles de compromettre la cohésion intercommunautaire, désapprouve un diplomate. Pour la délégation de l’Union européenne, ces propos sont de nature à accroître davantage le risque de violence interethnique lorsqu’ils viennent d’un leader d’opinion, tout en rappelant que Monsieur Bitakwira a été récemment placé sur la liste des mesures de restriction individuelle de l’Union européenne pour avoir de manière répétée, incité à la violence et à la discrimination en propageant un discours de haine à l’encontre de la communauté tutsi. Jean-Marc Châtaigner invite la garde des Sceaux à s’approprier ce dossier pour lutter contre la stigmatisation d’une quelconque communauté ou ethnie congolaise telle que souhaitée par le président de la République.
Colère dans la communauté Bashi
Le docteur Zigabe Henri Isaac, notable Shi du Sud-Kivu, a immédiatement appelé Justin Bitakwira à retirer ses propos de haine et de discrimination envers la communauté Bashi. Zigabe rappelle qu’il circule un enregistrement vidéo sur les réseaux sociaux qui « distille des propos vexatoires et remplis de haine, de discrimination et de tribalisme prononcés lors d’un exposé de l’ex-député Justin Bitakwira au cours duquel il aurait traité les Bashi des remparts du régime de Kigali; ce qui n’est pas vrai selon les évidences », a-t-il souligné. “Le peuple Bashi est un peuple résistant contre tout envahisseur du fait que le Mushi est un agriculteur et éleveur, qui s’accroche à sa terre, indique le notable. Les propos de Justin Bitakwira sont sans fondement sur plusieurs aspects, dit-il, et sont remplis de haine, de tribalisme et de mépris. Dr Zigabe Henri Isaac informe que « la résistance des Bashi a commencé depuis des siècles contre les Arabes ». Les Bashi seraient le seul peuple qui n’avait pas subi la traite des Arabes, même si la colonisation n’a pas été facile avec la résistance du Mwami Kabare.
Depuis plusieurs siècles, « les Bashi se sont battus contre le royaume du Rwanda et avaient remporté la victoire », insiste-t-il. Comment Justin Bitakwira pourrait-il changer cette vérité ?, s’est interrogé le docteur Zigabe. En tant que participant à la conception des stratégies de lutte contre le discours de haine en RDC avec les organismes des Nations unies (UNESCO, BCNUDH, UNOCA, MONUSCO), société civile, UNPE (Clinique juridique), gouvernement et confessions religieuses, mais aussi et surtout, notable du Sud-Kivu, le Dr Zigabe Henri Isaac appelle Justin Bitakwira à « présenter ses excuses publiquement à travers la presse nationale et internationale » pour réparation envers la communauté Bashi. Car, les conséquences de ces propos sur la communauté Bashi peuvent tourner en dérive par rapport à une mauvaise interprétation des autres communautés.
L’angélisme n’est pas l’ADN d’un seul clan, d’une tribu ou ethnie
Maître Idesbald Byabuze Katabaruka, avocat au Barreau du Sud-Kivu a, dans une lettre ouverte au peuple Shi, rappelé toute la fierté d’appartenir au Bushi (Descendance des Bashi). « L’angélisme n’est certes pas l’ADN d’un seul clan, d’une tribu ou d’une ethnie mais en vérité, les Shi peuvent se targuer de leur hauteur », soutient l’avocat de carrière. Il souligne que les terres du Bushi sont convoitées depuis la nuit des temps autant par des peuplades voisines que par les colonisateurs. « Ces terres demeurent à ce jour la prunelle de l’œil très jalousement protégée par un peuple qui a toujours refusé l’asservissement, l’humiliation et la disparition », a-t-il écrit. « Que de guerres ancestrales ne furent gagnées par la bravoure des guerriers de nos rois contre des envahisseurs louvoyant la paradisiaque nature et les richesses incommensurables de la terre bénie du Bushi », raconte l’intellectuel. Aujourd’hui, ni l’instrumentalisation de nos voisins, ni le déferlement dans nos contrées des armées et autres milices aux méthodes au-delà de la cruauté n’ont entamé le moral d’acier de nos vaillants villageois, autant que l’ardeur au travail, la recherche de l’excellence et de la perfection qui accompagnent le Shi où que ce soit au point de faire de lui le bien-aimé de quiconque est à son contact.
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Justin Bitakwira, ancien ministre de Développement rural et leader du parti ARCN