Politique
« Il y a la révision constitutionnelle et il y a le changement de la Constitution. Il s'agit de 2 concepts tout à fait différents aux conséquences différentes. Quand on parle de révision de la Constitution, c'est clair, il y a des articles qui peuvent être révisés sans problème. Il y a même des articles qu'on peut changer. Mais quand on parle de changement de la Constitution, c'est-à-dire, grosso modo, qu'on prend la constitution, on jette tout et essaie d'écrire une nouvelle constitution. Cette procédure s'appelle, dans le langage des sciences politiques : coup d'État. Et donc quand vous enlevez cette base juridique, les institutions qui sont en place tombent. En ce moment là ceux qui animent ces institutions sont démissionnaires, n'existent plus », explique, assez longuement, le professeur Bob Kabamba, un des rédacteurs de la Constitution de 2006, invité du Magazine FACE-À-FACE sur TOP CONGO FM.
Sur l’histoire de la RDC, il rappelle qu’il : « y a eu coup d'État avec Mobutu en 1965, mais pas le 20 mai 1967 ».
Pour lui, « entre 1965 et 1967, on dit qu'il y a eu une transition jusqu'à ce qu'il installe une nouvelle Constitution. Mobutu a mis en place une constituante qui a produit le texte du 20 mai 1967 », explique-t-il.
« Quand Joseph Kabila arrive au pouvoir en janvier 2001, il y a eu un coup d'État parce que le texte qui régit en ce moment-là la RDC ne prévoit pas dans quelles circonstances on doit avoir un nouveau Chef de l'État. On a réuni des gens qui ont désigné Joseph Kabila président de la République et l'ordre constitutionnel de l'ère Laurent-Désiré Kabila a arrêté d'exister à partir de ce moment. Cependant, il n'y a pas eu véritablement de coup d'État en 2003 avec le régime 1+4. Les différentes forces politiques se sont mises d'accord pour un nouvel ordre constitutionnel (dialogue intercongolais de Sun City). On est alors entré dans une période de transition (avec en ligne de mire) le changement de l'ordre constitutionnel » , selon l'universitaire belge, d'origine congolaise.
Car « il n'existe pas, dans le monde, de constitution adoptée par référendum qui définit la procédure de son changement », clame-t-il.
« Tout simplement parce que c'est l'outil qu'on met en place pour la pérennité et la survie d'un État. Aussi, la sanction pour le Chef de l'État qui tenterait de changer la constitution est suprême, c'est-à-dire la haute trahison. Lisez l'article 64 qui donne aux Congolais le droit de pouvoir s'opposer à toute tentative de révision de l'ordre constitutionnel ».
Cela dit, il ne demeure pas moins que « la Constitution peut être amendée, révisée », répète Bob Kabamba.
« Tout dépend de la volonté des décideurs politiques, cela est d’ailleurs bien établi dans la Constitution : le Chef de l'État, 100 000 citoyens congolais, le Parlement. Tout dépend de la volonté des différents acteurs, piliers ».
Redéfinir le régime politique
Quant à savoir si ce texte, vieux de 18 ans, est ou non encore adapté aux « réalités congolaises », le professeur Kabamba répond : « oui et non ».
« N'importe qui devrait reconnaître qu'il y a des points problématiques. Ils peuvent changer parce que tout simplement le contexte dans lequel ils ont été écrits a changé »
Entre autres modifications, Bob Kabamba estime qu’il « faut, par exemple, redéfinir le régime politique ».
Car, « avec la pratique enregistrée, étudiée entre la fonctionnalité du président de la République et celle du chef gouvernement, on se rend compte que ça ne sert à rien à élever le chef du gouvernement comme antithèse du président de la République. Ca n'apporte plus rien. Le président doit pouvoir décider sans nécessairement le contreseing du Premier ministre ».
À propos de la longue procédure de la mise en place des institutions, le professeur Kabamba indique que « la constitution n'y est pour rien ».
« Qu'est-ce qui se passe avant les élections ? Le président de la République, qui a l'imperium, crée une famille politique pour avoir une majorité au Parlement (parce que) le système proportionnel aide à tout contrôler. C'est un outil pour justement ne pas avoir un informateur. (Voilà pourquoi) quand vous avez l'union sacrée, vous n'avez pas besoin d'un informateur. (De ce fait), le président de la République aurait pu, dès le lendemain, déjà désigner un Premier ministre », confie Bob Kabamba.
En conclusion, « dans son fonctionnement général, cette constitution a permis au Congo de sortir de la guerre, d'avoir un État organisé, d'organiser les élections, d'avoir une alternance politique puisque sans ce texte, je ne pense pas que Félix Tshisekedi serait président. C'est elle qui a permis que Kabila ne fasse pas plus de 2 mandats. Mais oui, elle n'est pas parfaite. Il y a des choses qui ne vont pas et la liste est assez longue pour faire une révision » , insiste-t-il.
Le problème, c'est « l'extension et la durée des mandats (qui) sont perçues comme une menace. (Sur ce), le président de la République peut dire oui, je vais réviser la Constitution sur la question de l'impunité des responsables pour qu'ils soient poursuivables, une fois qu'ils ont terminé leur mandat. Je peux modifier la question de l'antagonisme entre le Premier ministre et le président de la République, introduire la double nationalité, clarifier et non modifier la question des relations entre l'État central et les provinces. Il peut le faire sans problème. Et vous verrez que le débat actuel va s'essouffler puisque tout simplement, l'article 220 ne sera pas touché », croit Bob Kabamba.
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