« Nous faisons de la facilitation et non de la médiation » (Mgr Nshole)

« Comme facilitation, on pourra faire des propositions pour amener les uns et les autres à se dépasser et ne pas perdre l'essentiel », fait remarquer, dans le magazine FACE-À-FACE de TOP CONGO FM, Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), à propos du pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble, initiative que mène le clergé catholique en collaboration avec l'Église du Christ au Congo (ECC).

« Et j'e m’empresse à dire que le forum pour le consensus national que nous proposons, (nous évitons exprès le terme dialogue), est différent des autres dialogues qui étaient alors demandés par les acteurs politiques et régis par les agendas politiques. Ici, c'est la Société civile qui s'engage à demander ce forum », pointe-t-il.

« Tel que conçu, vous vous rendez compte que la politique n'occupe qu'une des commissions de réflexion. Mais en gros, il s'agit de réfléchir sur la manière dont le pays doit être conduit dans le futur pour une paix durable », explique-t-il.

« Juste à titre indicatif, il y aura une commission économique et paix transfrontalières. Car cette guerre, beaucoup pense que c'est autour des minéraux. Mais qu'est-ce nous en faisons, nous qui en sommes détenteurs depuis des années ? Des scientifiques peuvent nous aider à repenser notre gouvernance économique de façon à garantir la paix intérieure et avec les voisins », renchériter le porte-parole du clergé catholique.

« Enfin, le forum que nous proposons, c'est pour aider les gouvernants actuels et ceux qui vont venir demain à avoir une base de données consensuelle et donc un pacte social », lance-t-il.

Seulement, « nous n'avons rien à dicter. On propose des termes de réflexion qui pourraient être enrichis ou revus. C'est le sens des consultations que nous menons », s’emploie-t-il à préciser

« Notre rêve, notre objectif, c'est d'emmener les uns et les autres à réfléchir sur les différentes causes de la situation actuelle et sur la façon dont les choses doivent être conduites dans l'avenir pour vivre en paix en RDC et avec les voisins. Nous voulons que des experts animent les commissions pour répondre à la question : Qu'est-ce qui fait qu'on patauge aujourd'hui (en dépit de toutes les tentatives de paix antérieures ? ). C'est le sens aussi de ce forum », indique Mgr Nshole.

« À mi-parcours (des consultations), le bilan est que tous nos interlocuteurs sont réceptifs (...). Mais, nous devrions encore continuer au niveau de la sous-région (pour, par la suite ) faire une synthèse », annonce-t-il.

« Et par respect pour le Chef de l'État, il devrait être le premier à recevoir nos conclusions qui seront rendues publiques parce que les uns et les autres doivent aussi savoir ce que tout le monde pense. C'est à la lumière de tout ça que nous ferons des propositions. La semaine prochaine déjà, nous serons en mesure de faire (rendre) nos conclusions. Cela dépendra également de la disponibilité du Chef de l'État pour nous recevoir » , confie-t-il.

Joseph Kabila déjà rencontré

Mgr Nshole révèle que le binôme CENCO-ECC a, au-delà de tous les protagonistes (Tshisekedi, Kamerhe, Fayulu, Sessanga, Muzito, Katumbi, etc.) avec lesquels il a discuté, déjà eu à rencontrer l'ancien président Joseph Kabila « avant de lancer l'idée. Nous sommes déjà entretenus pour tester la recevabilité du projet, tout comme nous l'avons fait avec les autres, avant une rencontre formelle » , renseigne-t-il.

« En ce qui concerne le Front commun pour le Congo (FCC), c'est lui (Joseph Kabila) qui a recommandé les personnes avec qui nous nous sommes vus (Raymond Tshibanda, Nehemie Mwilanya et José Makila). Nous attendons maintenant formellement la réaction du FCC », fait savoir Mgr Nshole.

« Nous voulons que les choses aillent vite » , laissez-t-il entendre, « car entretemps, les combats se prolongent ».

« Ce qui est dommage », s'alarme le chapelain de Sa Sainteté le Pape.

Et de poursuivre : « j'ai regretté qu'après Goma, il y ait encore eu des voix plus ou moins discordantes qui ne pourraient pas encourager le plaidoyer sur le cessez-le-feu. Vous avez suivi certaines personnalités de l'UDPS qui ont commencé à semer le doute sur ce projet. C'est un message qui peut être mal interprété par ceux qui sont à Goma auprès de qui nous sommes allés demander un cessez-le-feu », prévient-il.

« De toutes les façons, nous faisons ce que nous pouvons en tant que pasteurs. Nous n'avons pas une autre contrainte que notre parole pour exhorter », dit le prêtre.

« Nous appelons à la sagesse des uns et des autres. Ce qui se fait ne contredit pas, ne gêne pas ce qui est fait au niveau international. Nous voulons justement qu'il y ait une jonction parce qu'on peut trouver un compromis au niveau de la sous-région, mais tant qu'il y aura des problèmes internes non réglés, rien ne sera résolu », tranche-t-il.

« On sera plus fort si en interne, on réussit à parler d'une même voix, à harmoniser les différends. Ça ne sera pas la seule voix du président Tshisekedi qui sera entendue, mais ça sera la voix des Congolais qui se sont mis ensemble » , estime Mgr Nshole.

Aussi, « il ne s'agira pas d'une réussite pour nous. C'est le Congo qui va soit réussir, soit échouer », clame-t-il.

Trop de morts

« Il y a trop de morts, trop de victimes. Ça ne peut pas continuer comme ça. La vie est sacrée et l'homme est à l'image de Dieu. Donc, privilègions la voie du dialogue le plutôt possible », exhorte le porte-parole de la CENCO.

« Ce que nous proposons ne devrait pas prendre du temps. Si on se met d'accord sur les préalables, nous pensons qu'on peut gérer l'étape des réflexions en commissions endéans 2 semaines », assure-t-il.

« Mais le problème avec les politiciens, ce qu'ils cherchent à tout contrôler. On veut les rassurer en même temps que nous ne voulons pas que cette initiative soit étouffée par leurs appétits. Nous privilégions, pour la première étape, le travail des scientifiques qui pourront recommander les politiques. S'ils ne prennent pas beaucoup de temps, à partir du moment où on se serait mis d'accord sur les experts, ont peut finir dans deux semaines », réaffirme-t-il avant de glisser : « sur l'expérience du dialogue de la Saint Sylvestre ».

« Idéalement, (nous souhaiterions) que ce forum se tienne au Congo. Mais cela ne peut être possible que si ceux qui sont au pouvoir le permettre. Parce qu'il y en a qui devrait être là, mais qui se sent en insécurité au pays. La possibilité pour que ça se passe au Congo dépend de l'assurance sur la sécurité de tout celui qui devrait y participer », note-t-il.

Pas un seul sou

À propos du financement de leur démarche, « une question récurrente », reconnaît Mgr Donatien Nshole, « vous pouvez vérifier auprès de notre secrétariat technique. Personne n'a reçu un seul sou »

« Encore que pour les partenaires, il faut présenter un projet en bonne et due forme, lequel sera examiné avant toute réponse. On a décidé d'aller de l'avant compte tenu de l'urgence. Les deux Églises font ce qu'elles peuvent pour les rencontres », assure Mgr Donatien Nshole.

« Mais, il y a déjà des manifestations d'intérêt curieusement de quelques particuliers qui veulent encourager l'initiative », fait-il savoir

« Nous allons lancer un appel à la générosité. S'il ya des partenaires qui veulent nous aider, on ne refusera pas », lâche-t-il.