Beni: policiers et militaires répriment violemment une manifestation

Des policiers et des militaires congolais ont réprimé mercredi à coups de gaz lacrymogènes et des tirs de sommation une manifestation à Beni, au dernier jour du deuil national en mémoire de plusieurs dizaines de civils tués par des rebelles ougandais dans cette ville de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), a constaté un journaliste de l'AFP.

Les forces de l'ordre ont chargé à 10h30 heure locale des centaines de manifestants protestant sur la principale artère qui mène à la mairie de Beni contre l'inaction des autorités contre les violences touchant la région.

Au moins six manifestants ont été violemment interpellés, jetés sans ménagement dans une jeep militaire pour être conduits vers une destination inconnue, selon le correspondant de l'AFP.

Drapeaux brûlés

La situation reste tendue en ce moment autour de la maire de la ville où des jeunes, en compagnie d'étudiants, ont placé des barricades et s’attaquent également aux symboles de partis au pouvoir. Des drapeaux du parti présidentiel, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) ont été brûlés, tout comme, au grand marché de Beni, une effigie du président congolais Joseph Kabila.

«…Des foyers de tension partout dans la ville de Beni depuis le matin. L’autorité urbaine avait annoncé sur les antennes de plusieurs médias que le ministre de la défense et celui de l’intérieur devraient consulter des couches sociales à la mairie. A 8 heures, les membres du G7 qui voulaient participer à ces entretiens se sont présentés accompagnés d’une marée humaine. La police a dispersé tout le monde (…) Un groupe d’étudiants s’est également rendu au lieu où s’est déroulé le massacre. En revenant de là, ils se sont retrouvés face à la police qui était débordée (…) Les étudiants se sont organisés. Tout est paralysé. Jusque-là aucun mort n’a été signalé », témoigne Erictace Mwisi, journaliste local. 

Selons des sources concordantes, les éléments de la Police ont fait également usage du gaz lacrymogène, et ont procédé à plusieurs arrestations pour reprimer cette marche organisée par des acteurs de la Société civile pour protester contre les massacres dans cette ville de l’Est de la République démocratique du Congo.

« Ville morte »

La société civile de Beni avait décrété trois journées « ville morte » à partir de lundi. Les manifestants avaient noué autour de leurs têtes des étoffes tatouées « Amani » (paix, en swahili), pour clôturer le deuil.

En visite-éclair sur les lieux du massacre mardi, le Premier ministre congolais Augustin Matata a été hué par la foule qui l'a appelé à la démission, en accusant les autorités de n'avoir pas protégé la population contre ce danger « bien identifié ».

Le territoire de Beni et ses environs sont en proie à une série de massacres principalement à l'arme blanche, ayant causé la mort de plus de 650 personnes depuis octobre 2014. La dernière tuerie d'envergure a vu 51 civils tués dans la nuit de samedi à dimanche dans des quartiers nord de Beni, à la lisière du parc de Virunga, repaire des rebelles ougandais de Forces démocratiques alliées (ADF), selon un bilan de la société civile de Beni. Le gouvernement évalue de son côté le total des morts à 42.

« manifestations pour distraire les forces de l’ordre »

Joint au téléphone par le site « ACTUALITE.CD », le Ministre Mende, porte-parole du gouvernement, pense qu’il s’agit des manifestations pour distraire les forces de l’ordre : « Nous ne savons pas s’ils sont réprimés violemment. Nous savons bien que dans une zone opérationnelle l’ennemi peut toujours susciter des soit disant manifestations pour distraire les forces de sécurité qui doivent concentrer leur action sur le front antiterroriste. Si on empêche aux gens de manifester, on voudrait que toutes les forces que nous avons là soient concentrées sur la lutte contre le terrorisme. On ne peut en même temps reprocher au gouvernement de ne pas faire assez pour empêcher les terroristes de frapper nos populations et distraire les mêmes force de sécurité avec soit disant des manifestations passionnelles de colère. Ce n’est pas avec la colère qu’on résout le problème de terrorisme. C’est avec la raison et une froide détermination »

D'après les dernières informations recueillies par RFI, la manifestation aurait déjà causé un mort par balles (tir dans le dos) et cinq blessés, dont 3 par balles, à hôpital général.