Religion
Ils étaient 300 000 fidèles à célébrer sa béatification, en octobre 2003. Ce dimanche ils devraient être près du double, au moins un demi-million à inonder la place Saint-Pierre, lorsque Mère Teresa de Calcutta sera élevée au rang de sainte.
Mère Teresa sera proclamée sainte par le pape François, dimanche 4 septembre. Par sa bonté ardente et son courage infatigable, la religieuse a lutté contre l’effroyable misère de Calcutta et contre le désespoir du monde.
C’est un temps record, même en regard des procédures express introduites par Jean-Paul II, qui avait converti l’Église catholique en une « fabrique de saints ». Mère Teresa est morte il y a moins de vingt ans. D’ordinaire, il faut en compter au moins cinq ne serait-ce pour envisager de lancer la procédure de canonisation.
« Elle était une sainte », affirment ceux qui l’ont connue, à Calcutta et ailleurs. Canonisée de son vivant par le peuple, Mère Teresa continue d’attirer des milliers de chrétiens, d’hindous et de musulmans qui viennent sur sa tombe à la Mother House, la maison-mère des Missionnaires de la Charité à Calcutta.
Pourtant, si elle est une icône universelle de l’amour et de la compassion, sa vie reste mal connue. Et bon nombre de fidèles ont été décontenancés en apprenant, par la publication posthume de son journal (1), qu’elle avait connu une longue nuit spirituelle. Ce pan ignoré de sa vie a créé un doute : mais qui était donc « la sainte de Calcutta » ?
Agnès Gonxha Bojaxhiu – son nom civil – est née en 1910 à Skopje (alors dans l’Albanie de l’Empire ottoman, aujourd’hui capitale de la République de Macédoine). Son père, un entrepreneur prospère, décède lorsqu’elle a 9 ans. Sa mère élève ses trois enfants dans une foi catholique aimante et fervente. À 18 ans, la jeune fille entre chez les Sœurs de Notre-Dame-de-Lorette, à Rathfarnham, en Irlande. Elle ne reviendra en Albanie que près de soixante ans plus tard, en 1989.
Un nom choisi par admiration pour Thérèse de Lisieux
Après six semaines d’apprentissage de l’anglais, la postulante est envoyée en Inde pour son noviciat. Puis, pendant presque vingt ans, Sœur Mary Teresa – comme elle a choisi de s’appeler, par admiration pour Thérèse de Lisieux – enseigne la géographie à Loreto Entally, une école pour filles de castes supérieures.
Avec ses centaines de milliers d’habitants qui naissent, vivent et meurent sur les trottoirs, ses inondations fréquentes et dévastatrices, sa saleté endémique, Calcutta est l’un des lieux les plus misérables au monde. Mais derrière les hauts murs de son collège, Sœur Mary Teresa reste à l’abri. Elle n’a rien vu, semble-t-il, de l’effroyable famine du Bengale, en 1943, au cours de laquelle près de 2 millions de personnes décèdent.
Tout bascule le 10 septembre 1946 : date fondatrice qu’elle nomme son « appel dans l’appel ». Dans le train vers Darjeeling, elle entend le Christ. « Je devais sortir du couvent et aider les plus pauvres d’entre les pauvres en vivant avec eux. C’était un ordre, un devoir, une certitude », écrira-t-elle en 1993. Et elle ajoutera : « Tant que vous ne savez pas au plus profond de vous que Jésus a soif de vous, vous ne pouvez pas savoir qui il veut être pour vous. Ou qui il veut que vous soyez pour lui. »
Mère Teresa, suivie par une dizaine de ses anciennes élèves
Sœur Mary Teresa demande à l’archevêque Mgr Ferdinand Périer la permission de quitter sa congrégation. Il lui obtient de Rome une autorisation d’exclaustration… qui arrivera le 8 août 1948. Huit jours plus tard, celle que l’on appellera désormais Mère Teresa quitte les Sœurs de Lorette. Elle a cinq roupies en poche et un sari qu’elle s’est confectionné pour marquer son inculturation. Un sari blanc à liseré bleu qui n’est pas sans évoquer les traditionnelles représentations de la Vierge.
Après quatre mois de formation d’infirmière à Patna, elle ouvre, en décembre 1948, sa première école dans un espace public de Calcutta, pour des dizaines d’enfants abandonnés à qui elle enseigne l’alphabet et distribue des savons. Une de ses anciennes élèves de Loreto demande à la suivre. Puis deux. Puis une dizaine. Si bien qu’au printemps 1950 Mère Teresa rédige, en une nuit, la règle d’une nouvelle congrégation, les Missionnaires de la Charité, dont la vocation est de « répandre l’amour qui vient de Dieu ».
Chaque vie est sacrée
Aux trois vœux – pauvreté, chasteté, obéissance –, elle en ajoute un quatrième : consacrer toute sa vie aux pauvres de manière exclusive, et sans jamais accepter aucune récompense matérielle.
Pour elle, chaque vie est sacrée : moribonds, orphelins, lépreux, handicapés… Aucun drame humain ne lui est étranger. « Même l’enfant non encore né a la vie de Dieu en lui. Nous n’avons pas le droit de détruire cette vie pour quelque raison que ce soit », répète-t-elle à propos de l’avortement, ce qui lui vaudra bien des critiques en Occident.
Mère Teresa n’en a cure : sans relâche, elle fonde, recrute, secoue les indifférences, frappe aux portes et aux cœurs des puissants. Devenue célèbre à partir de 1970 en dépit de son humilité, elle se sert de sa renommée pour élargir ses réseaux de donateurs et rappeler que « les pauvres n’ont pas besoin de pitié, mais de respect ».
Réconcilier l’Église
Nouveau chef de l’Église et nouvel éclairage. C’est aujourd’hui une sainte en droite ligne avec ses enseignements que va célébrer le pape François. « Une Eglise pauvre pour les pauvres » dit la formule qui résume les volontés du souverain pontife. Une Eglise à l’œuvre dans les « périphéries », comme aime à le répéter le prélat sud-américain, adepte sinon de la théologie de la libération, du moins de cette « théologie des pauvres » qui poursuit grosso modo les mêmes objectifs mais qui s’est débarrassée des oripeaux marxistes dont se réclamaient les maîtres à penser du cardinal Bergoglio, le futur pape François.
De quoi réconcilier aujourd’hui ces deux versants de l’Église, le dogme et le chambardement, sous la même figure de Sainte Mère Teresa de Calcutta ? C’est ce que disent les analystes du Vatican. Mais avec un risque: celui de prêter aussi davantage le flanc aux critiques, à force de vouloir élever à la sainteté une figure exemplaire sur tous les tableaux.
A l’approche de la cérémonie de dimanche, les reproches se sont faits en effet plus bruyants. Son œuvre est considérable, avec l’ouverture de centaines de centres d’accueil à travers le monde, et la prise en charge de dizaines de milliers d’enfants, de malades et de mourants.
Si sa congrégation est venue en aide à des dizaines de milliers de miséreux, si elle a fini par devenir synonyme de charité désintéressée, jamais Mère Teresa n’a remis en question de manière frontale la mécanique qui rendait ces injustices possibles.
C’est une sainte bien plus conservatrice que révolutionnaire que proclamera dimanche le pape François. La sainte, en somme, de Jean-Paul II.
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