Politique
Les partis politiques – opposition et majorité confondues – se préparent à ce rendez-vous électoral tant attendu, auquel le président Joseph Kabila, dont le second et dernier mandat s'est achevé en 2016, n'est pas autorisé à se présenter.
Les couteaux s'aiguisent en vue de cette bataille qui s'annonce rude dans un pays qui, depuis son accession à l'indépendance, n'a jamais connu une alternance pacifique, marquée par une passation de pouvoir entre un chef d'État sortant sortant et son successeur élu.
Les règles du jeu électoral imposent notamment aux candidats à la l'élection présidentielle d'avoir au moins 30 ans et d'être congolais de naissance.
Le critère de la nationalité congolaise à satisfaire
Moïse Katumbi, métis né au Katanga, d'un père grec immigré en République démocratique du Congo après la Seconde Guerre mondiale et d'une mère congolaise, coche toutes ces cases. Ses ambitions présidentielles risquent toutefois d'être contrariées par une initiative qu'il a prise plusieurs années auparavant et qui se retourne aujourd'hui contre lui : il a détenu la nationalité italienne entre 2000 et 2017. La Constitution considère que la nationalité congolaise est une et exclusive.
En d'autres termes, tout Congolais qui prend une autre nationalité perd automatiquement sa nationalité congolaise. La personne peut toutefois redevenir congolaise, si elle en fait la demande et renonce à sa seconde nationalité. Une telle démarche est soumise à la sanction du gouvernement qui peut répondre défavorablement au requérant.
Pourquoi Moïse Katumbi ne saisit-il pas la justice s'il se sent lésé ? Comment s'y prendrait-il face à des juges qui ne sont pas connus pour leur indépendance vis-à-vis des milieux politiques ? Il ne semble pas se faire beaucoup d'illusions. « La justice congolaise est devenue un instrument de répression du dictateur de Kinshasa. Toutes ces manœuvres diaboliques ne font que renforcer ma volonté de poursuivre le combat pour libérer et sauver le pays. Je suis et reste candidat à l'élection présidentielle », explique Moïse Katumbi dans une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux.
Contourner l'hypothèse des condamnations
En juin 2017, Moïse Katumbi avait déposé une plainte devant le comité des droits de l’homme à Genève au motif d' « acharnement continu du pouvoir congolais contre sa personne et ses proches ».
Ce riche homme d'affaires vit en exil depuis 2016, passant le plus clair de son temps entre Londres et Bruxelles et voyageant beaucoup dans le monde, à bord de son jet privé. Outre cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête qui lui empoisonne la vie, l'homme a été condamné à 3 ans de prison ferme dans une affaire de spoliation immobilière. Il est également poursuivi dans le cadre d'une affaire de recrutement de mercenaires.
Ses partisans mettent ses démêlés judiciaires sur le compte d'un complot ourdi par le camp présidentiel pour lui barrer la route. Moïse Katumbi, qui, aux yeux des partisans de Joseph Kabila, paraît de plus en plus comme l'homme à abattre, aura du mal à sortir sans égratignure de cette épreuve. Quelle qu'en soit l'issue.
Malgré tout, Me Jean-Joseph Mukendi, membre du collectif des avocats qui défendent Moïse Katumbi, se veut rassurant : « Le problème doit être réglé politiquement. Je ne le vois pas sous un angle juridique. La solution sera politique, car la question soulevée est politique. » Tonalités différentes dans le camp présidentiel où des voix s'élèvent pour fustiger l'attitude de Moïse Katumbi. Le favori de quelques sondages controversés tire une partie de sa popularité du fait qu'il est également le président du TP Mazembe, le meilleur club de football du pays et du continent de ces 20 dernières années.
Une course contre la montre
En deposant sa plainte contre la RDC, Moïse Katumbi esperait pouvoir rentrer au pays et se présenter à l’élection présidentielle. (© Fabrice Coffrini/AFP)
« Je ne sais pas si Moïse Katumbi a été normalement attentif à ses intérêts. Depuis qu'il se proclame candidat, en tant qu'aspirant au statut de garant de la nation, il aurait dû connaître les conditions d'éligibilité. La majorité présidentielle n'a pas de position officielle sur cette question, parce que son bureau politique ne la considère pas comme une question politique. Il est libre, comme tout citoyen, de se présenter. Mais s'il se présente sans avoir rempli les conditions, la majorité pourra soulever le problème et dire que ce candidat n'a pas rempli les critères fixés », précise Alain Atundu, porte-parole de la majorité présidentielle, la coalition qui soutient le président Joseph Kabila.
La période de dépôt des dossiers de candidatures s'ouvre le 25 juillet prochain, pour deux semaines. Moïse Katumbi est engagé dans une course contre la montre pour se sortir de ce guêpier.
Me Mukendi ne s'avoue pas vaincu pour autant et se veut optimiste pour la suite. « La RDC a l'habitude de résoudre les problèmes la veille ou l'avant-veille. Il faut pousser politiquement : on a besoin de vivre dans un pays en paix et d'avoir des élections apaisées qui apportent la paix du cœur. On n'a pas besoin d'une élection qui favorise un candidat au détriment d'un autre », note Me Mukendi.
Il en faut plus pour décontenancer Moïse Katumbi qui croit à son destin national : il se bat avec l'énergie du désespoir en faisant fi des contraintes auxquelles il est soumis. Pour preuve, en pleine tempête, il a procédé à la nomination des responsables provinciaux de sa coalition « Ensemble », comme si de rien n'était.
Maintenant que la boîte de Pandore est ouverte...
Le débat sur la double nationalité a rebondi en 2017 suite à la nomination de Samy Badibanga au poste de Premier ministre.
Ce vif débat sur la nationalité suscite des réactions épidermiques. Certains analystes qualifient de boîte de Pandore cette affaire qui est révélatrice de l'hypocrisie de la classe politique congolaise. Si la loi interdit la double nationalité, l'Assemblée nationale et le Sénat comptent paradoxalement plusieurs dizaines de « binationaux ». Ces parlementaires parfois pointés du doigt ont, pour la plupart, acquis le passeport du pays où ils ont vécu ou étudié.
« Je suis natif du Katanga. (…) Certains qui sont au pouvoir dans notre pays ne peuvent pas en dire autant sur leurs origines », a affirmé Moïse Katumbi, comme pour rappeler à ses concitoyens que son cas n'est pas unique sur la scène politique. À qui faisait-il allusion ? Mystère.
En 2007, les « étrangers » qui siègent au Parlement avaient bénéficié d'un « moratoire » de 3 mois pour se mettre en conformité avec les textes. Une commission ad hoc devait se pencher sur ce dossier et faire des propositions. Inutile de préciser qu'au bout du compte, le débat avait été discrètement enterré. La commission n'a jamais rendu son rapport.
... comment faire le tri parmi les binationaux ?
Mis en sommeil pendant plusieurs années, le débat sur la double nationalité a rebondi en 2017, peu après la nomination de Samy Badibanga au poste de Premier ministre, après de laborieuses négociations entre la majorité présidentielle, l'opposition et la société civile, sous la regard des évêques catholiques.
Les Congolais ont découvert sur des réseaux sociaux des documents du journal officiel belge que l'homme qui était censé former le gouvernement congolais était belge.
« Pourquoi ferait-on le deux poids, deux mesures ? Je crois comprendre qu'on a signé un acte de recouvrement de nationalité pour l'ancien Premier ministre Samy Badibanga et le ministre Oly Ilunga. Pourquoi ne le signerait-on pas pour les autres ? Ils sont tous dans la même situation », martèle Me Mukendi.
Le poids des relations mouvementées avec le Rwanda dans l'imaginaire
Laurent Nkunda, alias Laurent Nkundabatware, est un général rebelle de l'armée congolaise mais recherché et poursuivi par la CPI comme sujet rwandais....
Derrière la question de la double nationalité se cache la question des Congolais qui, selon les circonstances, se disent congolais ou rwandais. Après avoir accueilli sur son sol, en l'espace de quelques semaines, plus de 1,5 million de personnes fuyant les massacres au Rwanda, en 1994, l'ex-Zaïre a vu ses régions de l'Est s'enfoncer dans l'anarchie et son environnement se dégrader. La RDC ne s'est pas encore remise des conséquences de ce génocide auquel elle n'a pas participé.
Depuis lors, les relations entre la RDC et le Rwanda ont connu plus de bas que de hauts. Des mouvements rebelles soutenus par Kigali et dirigés pas des hommes de paille qui se disaient ouvertement congolais en RDC et discrètement rwandais au Rwanda ont semé la mort et la désolation sur le sol congolais. Le Rwanda reste très présent dans l'imaginaire collectif congolais.
De nombreux Congolais soutiennent, à tort ou à raison, que leur pays « n'est pas encore prêt » pour la double nationalité qui, selon eux, entraîne nécessairement une double loyauté. Ils visent en réalité des Congolais d'extraction rwandaise ou des Congolais qui auraient plus d'affinités avec le pays des mille collines qu'avec la RDC. Les liens avec le voisin rwandais constituent l'angle mort de cette nouvelle polémique qui ne cesse d'enfler.
La nationalité : un chantier loin d'être terminé
Reste à savoir si le législateur arrivera enfin à surmonter les peurs agitées sur les réseaux sociaux sur la question de la nationalité dans un pays qui compte une importante diaspora estimée, selon les sources, à 4 ou 7 millions d'âmes. Certains de ces Congolais dotés de compétences avérées se sont fait naturaliser, tout en nourrissant l'espoir de rentrer un jour en RDC, y entreprendre quelques activités, sans pour autant couper les ponts avec l'Europe, l'Asie ou l'Amérique où ils ont des attaches. Le Parlement élude des échanges sur les aspects positifs de la double nationalité.
La RDC a ainsi choisi de se passer des savoir-faire, des talents et des apports d'une partie de ses enfants « égarés ». Jusqu'à quand ?
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Bien que désormais au centre du débat électoral et instrumentalisée, la question de la nationalité ne demeure pas moins une controverse importante et cruciale pour l'avenir de la RDC. (© AFP/ Mujahid Safodien)