Afrique
L'ex-président angolais Jose Eduardo dos Santos prend samedi sa retraite politique définitive en cédant la direction du parti au pouvoir à son successeur à la tête du pays Joao Lourenço, épilogue d'une transition crispée entre les deux hommes.
A la fin d'un règne absolu entamé en 1979, M. dos Santos, malade, avait exprimé le souhait de quitter le pouvoir en douceur, à contrepied de nombre de ses collègues africains.
Il y a un an, il n'a pas sollicité le renouvellement de son mandat de chef de l'Etat et transmis le témoin à son ex-ministre de la Défense, Joao Lourenço. Prudent, il avait toutefois gardé la direction du tout-puissant Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA), le véritable siège du pouvoir.
Samedi, le "camarade numéro 1", âgé de 76 ans, va également rendre à M. Lourenço les clés du parti, réuni en congrès extraordinaire.
"Le retrait de dos Santos est un tournant décisif dans la transition politique en Angola", résume l'analyste Alex Vines, du centre de réflexion britannique Chatham House, "le passage de témoin entre lui et Lourenço a été chaotique et conflictuel".
En choisissant pour dauphin un cacique de son régime, le maître du pays pensait pouvoir couler une retraite paisible.
Ses proches contrôlaient les secteurs stratégiques de l'économie, comme la compagnie pétrolière nationale confiée à sa milliardaire de fille Isabel. Et ses fidèles dirigeaient l'armée et la police.
Mais, à la surprise générale, celui qui était présenté comme le "docile" Joao Lourenço s'est vite affranchi de l'autorité de son prédécesseur en s'attaquant de front à son empire.
Au nom de la relance d'une économie en crise et de la lutte contre la corruption, il a débarqué Isabel dos Santos de la direction de la Sonangol et son demi-frère Jose Filomeno, dit "Zenu", de celle du fonds souverain du pays. Ce dernier a même été inculpé de détournement de fonds publics.
En quelques mois, la plupart des proches du clan dos Santos ont été méthodiquement écartés de la tête des institutions, des entreprises publiques et du parti.
Ce grand ménage a suscité de vives tensions. L'ancien président lui-même s'en est publiquement ému. "Les changements sont nécessaires mais ne devraient pas être aussi radicaux", a lancé M. dos Santos en décembre en dernier.
"Le gouvernement fournira toutes les garanties aux étrangers qui investissent dans le développement de l'Angola [...] afin qu'ils ne perdent pas cet argent", lui a alors rétorqué M. Lourenço.
Tout au long des derniers mois, les deux hommes et leur entourage se sont appliqués à arrondir les angles.
"Tout s'est passé normalement, il n'y a eu aucune turbulence", assure la secrétaire générale de l'organisation des femmes du parti (OMA), Luzia Inglés.
Mais en coulisses, leur bras de fer s'est prolongé jusqu'au dernier jour. M. dos Santos avait proposé de quitter la présidence du MPLA au plus tard en avril 2019, M. Lourenço a refusé et fixé d'autorité la date de son départ à samedi.
- "Le bien du pays" -
Pour les analystes, cette victoire confirme que le pouvoir a changé de camp, ce que l'intronisation de l'actuel chef de l'Etat à la tête du parti gravera définitivement dans le marbre.
"Le congrès de samedi ne changera rien de significatif sur le fond", prédit Benjamin Augé, analyste à l'Institut français des relations internationales (Ifri). "Lourenço s'est déjà autonomisé en écartant la fille et le fils dos Santos des affaires", ajoute-t-il, "tous les secteurs du pays ont été purgés".
L'ancien secrétaire général du MPLA et ex-Premier ministre (1992-1996) Marcolino Moco s'en réjouit.
"Les mesures prises par Lourenço sont encourageantes", souligne M. Moco, "il ne les a pas prises pour conforter son pouvoir personnel mais pour le bien de tout le pays".
L'opposition, elle, n'y croit pas. "Lourenço a occupé un rôle éminent dans ce pays, il a été au coeur des décisions qui ont abouti à la situation d'aujourd'hui", rappelle Lindo Bernardo Tito, vice-président de la troisième force politique du pays, la Casa-CE.
Chômage endémique, croissance en berne, déficits inquiétants, le deuxième producteur pétrolier d'Afrique subsaharienne ne s'est toujours pas remis de la chute en 2014 des prix du baril.
Depuis son élection, "JLo", ainsi qu'il est surnommé, a multiplié les réformes, notamment du secteur pétrolier, et tenté de rassurer les investisseurs étrangers. Mais sa tâche reste immense.
"Il doit maintenant engager des réformes structurelles", conclut Alex Vines, "il faut qu'il sorte l'économie de son addiction au pétrole [...] et créer des emplois s'il veut consolider le pouvoir du MPLA aux élections de 2022".
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