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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 02 mai 2024
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Politique

Crise rwando-congolaise : un mur de séparation est-elle une solution ? (Analyse d’Oasis Kodila Tedika)

2022-11-29
29.11.2022
Chroniques & Analyses
2022-11-29
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Le Premier ministre congolais, lors de la dernière rencontre de la Francophonie, a boycotté la photo officielle de famille parce que le Rwanda y était. Les tensions sont vives entres les deux pays. D’ailleurs, le départ précipité de l’ambassadeur rwandais est une autre preuve éloquente de cette situation. Et comme si ça ne suffisait pas, dans l’opinion, il y a une classe de gens qui estiment également que la RDC devrait carrément fermer ses frontières et une partie de la société civile du Nord-Kivu vient de soutenir l’idée de construire un mur de séparation entre les deux pays.

Il est important de rappeler que cette option de construction de mur de séparation fut assez présente avant JC. On se souviendra qu’il a existé ou existe encore le Mur de Berlin, la Grande Muraille, la Grande muraille du Sud, le mur de séparation entre les USA et le Mexique… Evidemment, des pays ont tenté dans une certaine mesure de régler leurs différends ou soucis frontaliers par de telles options. Aujourd’hui, il existe plus de 90 complexes de murs achevés, commencés ou annoncés dans le monde, alors qu’en 2000 on n’en comptait que 16. En quoi cette option est-elle pertinente pour la RDC ? Va-t-elle régler les problèmes ?

D’entrée de jeu, ce type de mesure peut être interprété dans un cadre de ce que l’on appelle théorie des jeux où les deux pays sont considérés comme des joueurs rationnels interagissant en fonction des coups stratégiques de l’adversaire. Ainsi, construire un mur peut être lu comme un signal envoyé à l’autre joueur. Dans le cas d’espèce, ce signal traduirait quoi exactement pour la RDC ? La rupture de la coopération entre les deux pays ou la restriction de celle, tout en sachant que la RDC a déjà renvoyé l’Ambassadeur rwandais d’une part et le coût de cette mesure (réaction du Rwanda, de la Communauté internationale et le coût pour la RDC – on y reviendra sur la RDC) ? Les adeptes de cette option devraient définir le sens de cette mesure dans cette optique, tout anticipant la carte rwandaise. 

 

Cette stratégie congolaise, si elle est mise en œuvre, doit intégrer la dimension coût, mieux l’analyse coût-bénéfice. Commençons par le gain. Quelle est la finalité ? Probablement, c’est restreindre la porosité frontalière. Or, restreindre la mobilité du facteur travail peut avoir des conséquences. Une étude récente de Treb Allen et al. a étudié l’incidence de la construction du mur de Trump sur l’immigration.

L'étude conclut que le mur n'a pas considérablement réduit la migration. Loin de là. En plus, l’étude suggère que l'expansion du mur frontalier a nui autant aux travailleurs mexicains qu’aux travailleurs américains hautement qualifiés. Et certains ont même vu leur bien-être baisser.

Partant de cette conclusion, on peut déduire aucun gain lié à la construction d’un mur dans le cas congolais. Il est possible que l’on m’oppose que le contexte américain est différent du nôtre. Evidemment, mais le mécanisme économique en œuvre ne change pas. La production est déterminée notamment par le facteur travail. Restreindre sa mobilité peut conduire la courbe de production vers le bas.

En effet, la restriction de la mobilité affectera aussi bien les congolais que les rwandais. Par exemple, pour réussir une production, il faut la combinaison de plusieurs facteurs (capital et travail) de production. Une diminution importante et brutale (surtout sans une bonne anticipation du secteur privé) du facteur travail réduira naturellement la production, car il va exister sur le marché du travail une sorte de rationnement direct : certains travailleurs ne sauront plus se déplacer d’un pays à un autre.

Aussi, la complémentarité dans le marché du travail compte pour la production. Or, la proximité géographique est à la base d’une certaine complémentarité entre les travailleurs de certaines unités de production congolaise. Restreindre cette mobilité peut casser cette complémentarité définitivement avec la conséquence qui va avec.

Au-delà de ces mécanismes, il y a également le risque d’augmentation du coût du facteur travail (qui doit intégrer le coût du déplacement entre les deux pays), surtout les plus qualifiés dont la substitution n’est pas toujours parfaite. Une telle augmentation du coût peut rendre certaines entreprises moins compétitives, particulièrement à l’ère de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE).

Au final, ces trois mécanismes indexés vont naturellement exercer une pression sur le marché du travail local, avec à la clé une augmentation du chômage. Les frictions du marché ne permettront pas que le matching entre la vacance des postes et les chômeurs se fasse rapidement ; ce qui rendra certains plus pauvres dans une province (Nord-Kivu) où 72,5% de la population vivent avec moins de 1,9% par jour selon l’enquête EGI-ODD. Or, les premières victimes dans cette situation sont les plus jeunes.

Une population jeune dans la précarité est un problème pour la société dans son ensemble. Dans ses articles scientifiques, le politiste Henrik Urdal trouve par exemple qu’une progression d’un point de pourcentage de la proportion des jeunes dans la population totale est liée à un risque accru de conflit d’environ 7%.

En outre, les pays où la proportion de jeunes est de 35% ou plus ont trois fois plus de risque de conflit que les pays où elle est de 17%, c’est-à-dire la moyenne des pays développés. Avec de tels chiffres, il est clair que le mur de séparation pourrait créer le lit pour d’autres conflits de nature différente.

Le marché du travail et la production ne seront pas les seules dimensions de l’économie congolaise à être exposées. Il y a également le commerce. David B. Carter et Paul Poast, dans une recherche scientifique récente, ont étudié l’effet de plus de 50 barrières dans le monde sur le commerce.

Ils arrivent à la conclusion que quelle que soit la raison justifiant la construction d’un mur de séparation, les pays exposés à un mur construit connaissent une chute de 31% de leur commerce légal. Pourtant, les économistes ont confirmé empiriquement que l’hypothèse de « doux commerce » de Montesquieu et les philosophes de lumière, selon laquelle le commerce a tendance à réduire les conflits.

Ces arguments économiques étant, il est clair que le mur présente un coût et ne nous garantit aucune sécurité. Continuons. Les chercheurs Victoria Vernon et Klaus Zimmermann suggèrent que la complexité de la construction du mur est indispensable pour être relativement efficace. C’est ainsi qu’ils estiment que les clôtures entre la Malaisie/Thaïlande et l'Inde/Bangladesh sont poreuses, car légèrement patrouillées et surveillées.

Cette stratégie congolaise, si elle est mise en œuvre, doit intégrer la dimension coût, mieux l’analyse coût-bénéfice. Commençons par le gain. Quelle est la finalité ? Probablement, c’est restreindre la porosité frontalière. Or, restreindre la mobilité du facteur travail peut avoir des conséquences. Une étude récente de Treb Allen et al. a étudié l’incidence de la construction du mur de Trump sur l’immigration. L'étude conclut que le mur n'a pas considérablement réduit la migration. Loin de là. En plus, l’étude suggère que l'expansion du mur frontalier a nui autant aux travailleurs mexicains qu’aux travailleurs américains hautement qualifiés. Et certains ont même vu leur bien-être baisser.

Partant de cette conclusion, on peut déduire aucun gain lié à la construction d’un mur dans le cas congolais. Il est possible que l’on m’oppose que le contexte américain est différent du nôtre. Evidemment, mais le mécanisme économique en œuvre ne change pas. La production est déterminée notamment par le facteur travail. Restreindre sa mobilité peut conduire la courbe de production vers le bas. En effet, la restriction de la mobilité affectera aussi bien les congolais que les rwandais. Par exemple, pour réussir une production, il faut la combinaison de plusieurs facteurs (capital et travail) de production. Une diminution importante et brutale (surtout sans une bonne anticipation du secteur privé) du facteur travail réduira naturellement la production, car il va exister sur le marché du travail une sorte de rationnement direct : certains travailleurs ne sauront plus se déplacer d’un pays à un autre. Aussi, la complémentarité dans le marché du travail compte pour la production. Or, la proximité géographique est à la base d’une certaine complémentarité entre les travailleurs de certaines unités de production congolaise. Restreindre cette mobilité peut casser cette complémentarité définitivement avec la conséquence qui va avec. Au-delà de ces mécanismes, il y a également le risque d’augmentation du coût du facteur travail (qui doit intégrer le coût du déplacement entre les deux pays), surtout les plus qualifiés dont la substitution n’est pas toujours parfaite. Une telle augmentation du coût peut rendre certaines entreprises moins compétitives, particulièrement à l’ère de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE).

Au final, ces trois mécanismes indexés vont naturellement exercer une pression sur le marché du travail local, avec à la clé une augmentation du chômage. Les frictions du marché ne permettront pas que le matching entre la vacance des postes et les chômeurs se fasse rapidement ; ce qui rendra certains plus pauvres dans une province (Nord-Kivu) où 72,5% de la population vivent avec moins de 1,9% par jour selon l’enquête EGI-ODD. Or, les premières victimes dans cette situation sont les plus jeunes. Une population jeune dans la précarité est un problème pour la société dans son ensemble. Dans ses articles scientifiques, le politiste Henrik Urdal trouve par exemple qu’une progression d’un point de pourcentage de la proportion des jeunes dans la population totale est liée à un risque accru de conflit d’environ 7%. En outre, les pays où la proportion de jeunes est de 35% ou plus ont trois fois plus de risque de conflit que les pays où elle est de 17%, c’est-à-dire la moyenne des pays développés. Avec de tels chiffres, il est clair que le mur de séparation pourrait créer le lit pour d’autres conflits de nature différente.

Le marché du travail et la production ne seront pas les seules dimensions de l’économie congolaise à être exposées. Il y a également le commerce. David B. Carter et Paul Poast, dans une recherche scientifique récente, ont étudié l’effet de plus de 50 barrières dans le monde sur le commerce. Ils arrivent à la conclusion que quelle que soit la raison justifiant la construction d’un mur de séparation, les pays exposés à un mur construit connaissent une chute de 31% de leur commerce légal. Pourtant, les économistes ont confirmé empiriquement que l’hypothèse de « doux commerce » de Montesquieu et les philosophes de lumière, selon laquelle le commerce a tendance à réduire les conflits.

Ces arguments économiques étant, il est clair que le mur présente un coût et ne nous garantit aucune sécurité. Continuons. Les chercheurs Victoria Vernon et Klaus Zimmermann suggèrent que la complexité de la construction du mur est indispensable pour être relativement efficace.  C’est ainsi qu’ils estiment que les clôtures entre la Malaisie/Thaïlande et l'Inde/Bangladesh sont poreuses, car légèrement patrouillées et surveillées. Les migrants et les passeurs passent en usant souvent de faux documents et des pots-de-vin. Sarah Bohn et Todd Pugatch ont montré que dans le cas américain, le mur ne baisse l’immigration qu’à condition d’augmenter nettement la patrouille frontalière, soit 1000 agents supplémentaire.  Ceci est-il possible dans le cas Congolais ? Avons-nous les ressources pour une telle patrouille ? Cette patrouille ne va-t-elle pas verser dans la corruption étant donné le pouvoir discrétionnaire dont elle va disposer et le niveau actuel de corruption au pays ?  Serons-nous capable de créer un mur complexe ?

Un autre argument est d’ordre financier. Construire un mur de 217 km (espace frontalier entre la RDC et le Rwanda) constitue une question inévitable. Dans le cadre de l’étude récente de Treb Allen et al. sus-évoquée, les auteurs ont montré que le mur coûtait cher aux contribuables américains : ils payaient environ 7 US per capita mais n'en tiraient que peu ou pas d'avantages économiques. Est-ce que les défenseurs de cette option pour la RDC pensent-ils à ceci ? Combien coûtera-t-il ce mur ? Pendant combien de temps sera-t-il en construction ? Devrions-nous le casser ? Et si oui, à quelle condition ? Tiennent-ils compte de la perte sèche ? N’y-a-il pas un meilleur arbitrage des fonds à allouer à ce mur ?

Enfin, last but not least, la construction des barrières frontalières peut en fait augmenter la probabilité d'attaques terroristes plutôt que de les empêcher. Il existe actuellement une littérature académique qui confirme cette conclusion. La construction du mur saoudo-irakien ou celle du mur israélo-égyptien ont complètement changé l’attitude des gens en mal, entrainant plus d’attaques terroristes. Au-delà du changement de l’attitude, cette accentuation du terrorisme trouve un terreau fertile lorsque les terroristes peuvent recruter facilement parmi les réfugiés venant de pays où sont implantées des organisations terroristes. Par ailleurs, cet effet négatif de l’édification de mur traduit par le terrorisme dure, en moyenne, entre quatre et 11 ans après le début de la construction du mur. En des termes différents, la partie Est sera encore exposée pendant longtemps au terrorisme si on se lance dans la logique d’un mur.

Pour conclure, l’idée de cet article était de fournir des balises d’analyse, sans prétendre à l’exhaustivité. J'espère avoir réussi et lancé la discussion. Les tenants de cette option devraient considérer ces éléments. Maintenant est-ce qu’il n’y a pas d’autres propositions au-delà du mur ? Il y en a certainement pour régler la crise rwando-congolaise.

*Oasis KodilaTedika est un économiste et auteur récemment du livre Financement du développement en RDC : diagnostic, opportunités et perspectives.


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