Politique
Depuis 4 mois, la ville frontière de Bunagana est contrôlée par la rébellion du M23. Plusieurs initiatives sont sur la table pour trouver une solution négociée entre les rebelles et les autorités congolaises. Le porte-parole politique du M23, Lawrence Kanyuka, explique à Afrikarabia que le retour à la paix doit passer par une négociation « d’égal à égal », avec le gouvernement.
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a affirmé cette semaine que l’exécutif avait opté pour « la voie diplomatique » afin de récupérer les zones administrées par la rébellion. Pour preuve, selon Patrick Muyaya, la relative accalmie sur le front militaire, où un cessez-le-feu avait été décrété récemment par les chefs d’Etat de la région pour permettre aux forces régionales de se déployer dans la région. Des troupes kényanes ont fait leur entrée au Congo fin septembre, alors que l’armée ougandaise opère déjà dans la zone depuis 10 mois.
« Ces discussions nous concernent »
Pour le porte-parole du gouvernement, « Il n’y a aucune guerre ou affrontement qui commence et qui ne s’achève pas sur une table parce que nous savons que c’est le Rwanda qui opère derrière le M23 ». A Nairobi, Luanda, où sous l’égide du président français, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda sont appelés à s’entendre. Contacté par Afrikarabia, le nouveau porte-parole politique du M23, Lawrence Kanyuka, a une tout autre lecture de la solution qui pourrait ramener la paix dans la région. « Toutes ces médiations se passent entre Etats. Nous, nous demandons plutôt un dialogue direct avec le gouvernement. Ces discussions nous concernent. Nous sommes sur le terrain et nous devons parler d’égal à égal avec notre gouvernement ».
Des promesses non tenues
Lawrence Kanyuka rappelle qu’en avril dernier à Nairobi, où les groupes armés étaient réunis autour des autorités congolaises, c’est le facilitateur Serge Tshibangu qui a demandé l’exclusion du M23 après la reprise des combats entre la rébellion et l’armée congolaise.
Serge Tshibangu
« Devant la communauté internationale, c’est le gouvernement congolais qui a refusé de dialoguer avec le M23. De notre côté, nous n’avons jamais quitté les négociations et aujourd’hui, nous continuons à demander la tenue de ce dialogue direct ». Lawrence Kanyuka n’a pas souhaité dévoiler les revendications qui seraient sur la table. Mais on sait que le M23 reproche aux autorités congolaises de ne pas avoir tenu leurs promesses, notamment concernant le retour des réfugiés se trouvant en Ouganda et au Rwanda, l’intégration des combattants dans l’armée, ou la transformation du mouvement en parti politique et l’intégration au programme de démobilisation.
« On égorge toujours des Congolais à Beni, Butembo… »
L’objectif affiché par le gouvernement congolais est de pouvoir récupérer l’intégrité de son territoire, notamment en demandant au M23 de quitter Bunagana, cette ville frontalière stratégique entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda. « Nous ne quitterons pas Bunagana, s’indigne Lawrence Kanyuka. Certains d’entre nous y sont nés. Nous ne sortirons pas de Bunagana. Pour aller où ? Bunagana, Jomba, c’est chez nous ! Ces villages sont habités par nos parents, nos grands-parents et par nous-mêmes ». Et de dénoncer les « deux poids deux mesures » des autorités. « Beaucoup de nos compatriotes meurent tous les jours et cela ne préoccupe pas vraiment gouvernement dont le seul souci semble être le M23. Il y a toujours des massacres commis par les ADF ou les Codeco, des Congolais qu’on égorge à Beni, Butembo ou en Ituri ».
« A Bunagana, la population vaque à ses occupations »
Pourtant, en juillet dernier, Human Rights Watch (HRW) avait dénoncé dans un rapport, des crimes commis par le M23 au Nord-Kivu. « Le groupe armé M23 a sommairement tué au moins 29 civils depuis la mi-juin 2022 dans les zones qu’il contrôle » affirmait l’ONG – voir le rapport ici. Le porte-parole du M23 récuse en bloc les allégations de Human Rights Watch. « A Bunagana, la population vaque tranquillement à ses occupations et le marché est ouvert. Toutes ces accusations sont fausses ». Depuis peu, le M23 a mis en place « une équipe interdépartementale des droits de l’homme pour faire le lien entre l’Armée révolutionnaire congolaise (structure armée du M23) et la population civile ». Selon le M23, l’armée congolaise stockerait des armes lourdes « dans des écoles ou dans des couloirs d’hôpitaux » mettant en danger les populations. Des accusations qui n’ont cependant pu être confirmées par aucune source indépendante.
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Lawrence Kanyuka, porte-parole politique du M23