Femme
Dans un pays où les abus et les violences sexuelles sont légion, un chef de la police locale est levé pour protéger les enfants et les femmes contre les préjudices.
Lorsqu’Honorine Munyole, officier de police, a rendu visite à un groupe de femmes dans la ville de Bukavu, elle a reçu un accueil digne d’une véritable héroïne.
Mais les célébrations ont vite tourné en cris de désespoir et même de colère au moment où l’officier de police a fait son annonce – elle doit être transférée à un autre endroit.
« Qui s’occupera alors de nos enfants ? »s’inquiète une mère. Une autre s’est avancée devant la foule avec sa fille de moins de trois ans. Elle raconte à la foule comment une nuit, le nourrisson avait été tiré par la fenêtre et violé par une poignée d’hommes. « Maman, si tu pars qui va nous aider ? » demande-t-elle.
C’est sa compassion face à de telles difficultés qui lui ont valu le surnom de « Mama Colonel », ainsi que le titre d’un documentaire du réalisateur, natif de Kisangani, Dieudo Hamadi, qui a diffusé sa production au Festival du documentaire de Sheffield le mois dernier. « J’espère qu’un jour tous ces abus vont prendre fin »
L’officier Munyole a quitté Bukavu pour diriger une unité de police dédiée à la protection des femmes et des enfants à Kisangani, la troisième plus grande ville de la RDC.
Ces nouvelles responsabilités lui ont permis de mener au quotidien une lutte consistant à sensibiliser son équipe dominée par des hommes au changement d’attitude sur fond d’un ordre social brisé.
À Kisangani, elle a pu parler à la population locale : « Les enfants sont victimes d’abus. Vous les abandonnez. Vous les accusez de sorcellerie, vous les frappez. Je vous préviens, si je surprends quelqu’un, homme ou femme, il le regrettera. »
La semaine dernière, il a été signalé que des milliers de mineurs sont détenus dans plusieurs églises à travers la RDC pour être exorcisés de « démons ».
Cette pratique a pris de l’ampleur dans les familles pauvres. Celles-ci utilisent les accusations de sorcellerie comme une raison pour abandonner leurs enfants.
L’officier de police et son équipe ont investi une maison où sept jeunes enfants accusés de sorcellerie avaient été détenus pendant près de deux mois.
Un homme avec une Bible en main a été arrêté. Les enfants ont expliqué comment ils avaient été battus et privés de nourriture. Au poste de police, une femme détenue a affirmé que son groupe essayait plutôt de débarrasser les enfants des mauvais esprits.
Oladapo Awosokanre, responsable des programmes de l’organisation caritative Africa, affirme que les enfants présentant des comportements « particuliers » comme l’énurésie ou le somnambulisme. Les jeunes avec handicap, sont souvent désignés comme des sorciers.
« C’est une préoccupation croissante en Afrique de l’Est.
Le Royaume-Uni connaît aussi une nette augmentation de ce genre de cas. Souvent, quand un malheur survient dans une famille, les chefs religieux désignent les enfants comme la cause », explique-t-il.
« Les faux leaders spirituels accusent les enfants d’être possédés et exigent de l’argent aux familles en difficulté comme paiement pour exorciser les "esprits maléfiques". »
Selon l’officier de police Munyole, les accusations de sorcellerie sont très répandues à Kisangani. « Les enfants sont devenus des boucs émissaires pour des problèmes familiaux. S’il n’y a rien à manger, ce sont les enfants qui sont blâmés. Beaucoup sont tués ou finissent par être rejetés dans la rue », explique-t-elle.
« Sans abri la nuit, ils sont en proie à des violences sexuelles. Ils ne fréquentent pas l’école-il n’y a pas de voie de sortie possible pour eux ».
C’est pendant qu’elle encourage les populations locales à bannir toute forme d’abus contre les enfants et à signaler tout viol qu’elle découvre une communauté encore en état de choc suite à l’horrible guerre de six jours de juin 2000. Ce conflit armé qui a opposé sur le sol congolais les troupes rwandaises aux ougandaises a laissé 1000 morts parmi la population civile et 3000 blessés.
L’officier, sous sa nouvelle casquette, est l’une des premières personnes à demander aux gens les atrocités qu’ils ont subies. Des dizaines de veuves ont pu rompre leur silence pour la première fois. Une femme de 44 ans raconte qu’elle avait été violée devant son mari avant de voir celui-ci assassiné et sa fille enlevée. Elle n’a plus jamais eu des nouvelles de l’enfant depuis lors.
Une autre veuve raconte qu’elle avait été liée et violée. « Ensuite, ils ont tué mon mari, mes enfants. Ils leur ont tranché la gorge », révèle-t-elle.
Munyole offre un abri à un grand nombre de victimes et, dans le film, on la voit armé de son mégaphone, appelant la communauté à des gestes de charité :« Si vous pouvez contribuer avec le peu que vous pourrez avoir, cela aidera ... même un morceau de charbon. »
Ses collègues policiers chargés de sacs en plastique se déploient collectant « de l’argent, du savon ou des bananes ».
Contre toute attente, la réaction n’a pas été sympathique. Un homme a même lancé : « Vous demandez aux populations locales de l’argent pour aider les victimes de viol, mais que fait le gouvernement ? »
L’officier avoue que le plus difficile dans cet effort c’est le manque de financement. « Dans notre ligne de travail, il n’y a pas d’argent », dit-elle. « Rencontrer des orphelins et n’avoir aucun moyen de les aider, c’est vraiment difficile à supporter. Quand je n’arrive pas à remplir mon devoir, cela me fait si mal que j’ai le traumatisme psychologique. »
Phil Clark, un politologue spécialiste des conflits en Afrique, affirme qu’il n’est pas inhabituel de voir des policiers quémandant de l’aide aux populations locales.
« Cela est très fréquent, surtout si vous travaillez sur des crimes qui sont relégués au second plan. Ce n’est que très récemment que le système judiciaire congolais a commencé à pénaliser les violences sexuelles et sexistes », explique-t-il.
Toutefois, l’officier espère toujours que les choses vont changer : « De nouvelles lois pour la protection des femmes et des enfants vont être adoptées et j’espère qu’un jour tous ces abus vont prendre fin. »
À Kisangani au moins, le message de l’officier commence à porter des fruits. Dans une séquence du film, elle reçoit la visite de trois femmes vendeuses de poissons séchés du marché. Elles lui remettent une liasse de billets d’argent. « Nous avons appris ce que vous faites et nous sommes profondément touchées. C’est pourquoi nous avons rassemblé cette petite somme pour soutenir votre travail auprès des veuves et des orphelins », lui disent-elles.
Et l’officier Munyole répond : « Je suis vraiment émue d’apprendre qu’il y a encore de l’amour. Je pensais être seule ».
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