Politique
Alain Shekomba est l'un des candidats indépendants du scrutin du 23 décembre. Sa voix porte quelque part l'idée que se font certains Congolais de l'avenir qu'il faut à la RDC loin des alliances politiques tactiques.
Le coup d'envoi de la campagne pour l'élection présidentielle du 23 décembre a été donné ce jeudi 22 novembre. Alain-Daniel Shekomba, la quarantaine, est un candidat indépendant au profil atypique. Issu de la société civile, son parcours l'a mené très loin de sa terre natale, dès l'obtention de son diplôme de master en physique. Formé aux États-Unis en partie, puis en France et surtout en Asie, c'est finalement en Guinée équatoriale qu'il a installé sa compagnie de télécommunications. Le numérique est d'ailleurs l'un des points importants de sa plateforme « Mission nouvelle » qu'il a dotée d'un site internet qui présente ses douze propositions pour relever le pays. C'est en candidat libre qu'Alain Shekomba s'exprime en ce début de campagne électorale, refusant toute appartenance à un quelconque mouvement de l'opposition. Il s'oppose très fermement à l'usage de la « machine à voter » pourtant prônée, sur fond de controverse, par la Commission électorale nationale indépendante. Il s'est confié au Point Afrique.
Le Point Afrique : Pourquoi êtes-vous contre l'usage de la très controversée machine à voter aux prochaines élections présidentielle et législatives ?
Alain Shekomba : J'ai eu le temps d'observer la machine à voter. Et j'ai trouvé des choses qui n'ont pas lieu d'être à l'intérieur de cette machine, laquelle servirait à imprimer les bulletins de vote. Mais pour faire cette impression, on n'a pas besoin d'interfaces USB sur la machine à voter. On n'a pas besoin de la connecter à un réseau, parce que le comptage doit se faire manuellement après impression. De même, on n'a pas besoin d'un scanner de QR Code sur la machine parce qu'il n'y a rien à scanner, théoriquement. Malheureusement, on a découvert que ce scanner de QR Code servait de scanner de comptage.
Qu'est-ce que vous appelez le QR Code ?
Le Quick Code est un code-barre à deux dimensions – verticale et horizontale – qui contient beaucoup plus d'informations que le code-barre classique. Sur le bulletin de vote imprimé par la machine à voter, il y a la photo et le nom du candidat, le logo de son parti politique ainsi que le QR Code qui contient toutes les informations, notamment le nom et le numéro du candidat. C'est ce qui est lu par le lecteur de la machine à voter. Donc la machine à voter imprime les procès-verbaux et comptabilise les votes.
Les informations introduites dans la machine par la Ceni peuvent-elles être modifiées en amont ou en aval ?
Absolument. L'électeur vote en fonction du nom et de la photo. Une partie de la population est analphabète. Or, la photo peut ne pas correspondre aux informations contenues dans le QR Code. La comptabilisation des votes effectuée par la machine peut nuire à la crédibilité du scrutin.
Les experts venus de l'étranger ont conclu, après analyse de la machine à voter, qu'elle pouvait être utilisée sous certaines conditions…
Ces experts ont formulé des recommandations. Si vous regardez de près les quinze recommandations de la Westminster Foundation For Democracy, une fondation britannique, elle recommande de déconnecter les interfaces de transmission jusqu'à ce que cela soit nécessaire, de boucher le port USB, de créer un fichier « log » externe pour le suivi, etc. Ces experts n'ont pas fait la certification de la machine. Ils n'ont jamais donné une caution à l'usage de la machine. Ils ont juste regardé de près pour savoir comment la machine fonctionnait et comment elle pouvait devenir fiable. Leurs recommandations n'ont jamais été prises en compte par la Ceni.
Un autre candidat à l'élection présidentielle a dit que la machine à voter est une simple imprimante qui n'est pas aussi nocive qu'on le pense…
Tout le monde pensait que c'était une imprimante, influencé en cela par le discours que le président de la Ceni tenait. Dès qu'on est allé en profondeur, on a constaté que cette imprimante a un système d'exploitation Linux, un noyau Linux, un système Android et elle est interconnectée. Ce n'est pas une simple imprimante.
Vous êtes diplômé en physique de la faculté des sciences de l'université de Kinshasa. Comment pouvez-vous avoir un point de vue tranché sur la qualité intrinsèque de la machine à voter ?
Après mes études de physique à l'université de Kinshasa, mon premier boulot était celui de directeur technique d'Afrinet, une entreprise basée à Kinshasa et spécialisée dans les solutions à la carte dans le domaine informatique. Cette société a été la première à faire l'interconnexion des réseaux des banques commerciales et ceux de la Banque centrale. J'ai piloté et développé ce projet de A à Z. J'ai par la suite occupé le poste de directeur technique et commercial à la société Global Broadband qui est également dans le domaine informatique. Je suis actuellement le directeur général d'une entreprise de télécommunications. J'ai une société de développement d'applications informatiques qui est établie en Afrique du Sud et en République démocratique du Congo. J'ai donc fait des formations certifiantes qui donnent des connaissances approfondies en matière d'outils informatiques et dans d'autres domaines. Cela fait plus de vingt ans que je travaille dans le secteur informatique.
Ne prêchez-vous pas dans le désert dans un pays où, comme presque partout ailleurs dans le monde, la grande majorité des électeurs n'a pas suffisamment de compétences informatiques pour capter un tel message ?
Au-delà des compétences informatiques, il y a des aspects juridiques. Le débat juridique est à somme nulle. Certains disent que la machine à voter est illégale, alors que la Ceni soutient le contraire. J'ai l'impression que tout le monde prêche dans le désert. Le président de la Commission électorale ne respecte pas la loi sur les outils qu'on doit utiliser pour le vote. Nous avons tenté de lui démontrer, par l'absurde, que les raisons techniques qu'il invoque sont faibles.
Comment expliquez-vous l'entêtement de Corneille Naanga, le président de la Commission électorale, à recourir à cette machine, malgré les critiques et les craintes qu'elle suscite ?
Il n'y a pas que la machine à voter qui inquiète. L'inscription des électeurs sur les listes électorales a généré des problèmes. Tous ceux qui se sont enrôlés dans certains bureaux ont les mêmes empreintes digitales. Ce sont les empreintes du chef du bureau d'enrôlement. On se retrouve ainsi avec de fausses informations. Je pense que Corneille Naanga veut protéger son travail qui est bâclé. Il ne veut pas accepter la responsabilité de
Et dans ce contexte, comment la RDC peut-elle raisonnablement aller aux élections le 23 décembre ?
Il y a de sérieux problèmes pour honorer cette échéance. Certaines personnes ont peut-être des agendas que nous ignorons, notamment plonger le pays dans le chaos. Tout le monde contestera les résultats de ces élections. Si les candidats contestent les résultats, comment le président Kabila pourra-t-il accepter les résultats qui ne seront pas validés ? Aussi longtemps que ces résultats ne seront pas validés, selon les dispositions de l'accord de la Saint-Sylvestre et la Constitution, Joseph Kabila restera en place. Je me demande si tout ceci n'est pas fait à dessein pour que le président actuel reste en fonction. Quand on demande à Corneille Naanga de mettre en œuvre les recommandations des experts britanniques et de régler la question du fichier corrompu, il ne veut rien entendre, tout en sachant que les résultats de ces élections seront contestés. L'opération de l'inscription sur les listes électorales a été bâclée. Le choix des outils à utiliser pour ces scrutins a été bâclé tout autant. Le vote sera nécessairement bâclé. C'est la conséquence logique… Je ne vois pas comment un processus engagé sur une mauvaise note pourra se terminer sur une bonne note.
Il faut une feuille de route bien claire. La Ceni doit accepter son irresponsabilité parce que son travail a été mal fait. On a un fichier dans lequel 10 millions d'électeurs sont sans empreintes digitales authentiques. La Ceni a reconnu que ces électeurs ont les empreintes des agents de la Ceni… Nous avions proposé au président de la Ceni de nous fournir la base de données des électeurs sans empreintes digitales authentiques. Il était question qu'on introduise une clé de discrimination basée sur les adresses. On allait ainsi savoir par province, par quartier, combien d'électeurs n'avaient pas d'empreintes conformes. Nous aurions pu faire une opération de régularisation.
En quoi les empreintes digitales peuvent-elles transformer les votes ?
Ce n'est pas une transformation de votes. Les empreintes digitales constituent un élément d'identification unique. Chacun de nous a ses propres empreintes digitales. Cela est censé rendre le processus électoral plus crédible. Depuis 1984, il n'y a jamais eu de recensement à l'échelle nationale en RDC.
Votre leitmotiv est « la population doit s'approprier le processus électoral ». Ce sont des mots…
On organise les élections pour permettre aux Congolais de choisir les gens qui leur font la meilleure offre politique. Cette offre est destinée à apporter des réponses ou des solutions aux problèmes de la RDC, notamment la légitimité du pouvoir et la bonne gouvernance qui font cruellement défaut dans notre pays. On s'achemine vers des élections qui ne pourront pas régler cette crise de légitimité. Le Trésor public finance ce processus. C'est l'argent du contribuable, l'argent de la population. La population doit revendiquer ses droits pour avoir de bonnes élections qui apporteront des réponses à leurs problèmes. Si on va aux élections, on dépensera de l'argent, on perdra du temps et on entrera de nouveau dans une zone de turbulences.
La solution ne serait-elle pas de déployer des témoins dans tous les bureaux de vote de sorte que la tricherie – si tricherie il y a – soit minimisée ?
Beaucoup de gens idéalisent les choses. Comment voulez-vous qu'un témoin, qui ne sera pas dans l'isoloir avec l'électeur, puisse savoir que l'électeur a appuyé sur le candidat X et que le QR Code a lu Y ? Le témoin, s'il est là, ne viendra que pour voir et compter les bulletins de vote. Mais la machine imprimera les procès-verbaux. La Ceni a-t-elle prévu l'établissement des procès-verbaux manuellement ? Dispose-t-elle de scanners dans les différents bureaux de vote pour pouvoir envoyer à Kinshasa, pour le traitement des procès-verbaux établis manuellement ? La Ceni n'a rien prévu de tout cela. La Ceni veut que nous tombions dans son piège. Elle veut nous faire accepter l'usage de la machine à voter en la faisant passer pour une simple imprimante de bulletins de vote sur le site. En réalité, ils ont déjà mis en place un système de transmission d'informations et d'impression de PV.
Le processus électoral échappe aux candidats, à l'exclusion peut-être d'Emmanuel Ramazani Shadary qui est le candidat du président sortant Joseph Kabila ?
Le processus électoral échappe complètement aux candidats. On avait même proposé au président de la Ceni la mise en place d'une commission d'accompagnement des candidats. Quand il prépare le système d'exploitation qu'il met sur le flash disk, nous ne sommes pas là. Quand il manipule les données des électeurs et des candidats qu'il met sur une clé USB, nous ne sommes pas là non plus. C'est un choix qui a été fait délibérément pour tricher…
Au profit de Shadary ?
Au profit de celui qu'ils choisiront pour pérenniser le système actuel. Il faut être prudent. La tricherie se fera en faveur de la personne censée pérenniser le système et qui a conclu des accords secrets avec les tenants du système. À ce stade, on ne sait pas de qui il s'agit.
Quels sont les principaux axes de votre programme, même si vous avez l'air convaincu que les dés électoraux sont pipés et que vous ne serez pas élu ?
Je crois que si nous allons aux élections sans la machine à voter et si nous pouvons tous exposer nos programmes et nos ambitions, la population saura qui veut faire quoi. Cela dit, il y a trois choses qui me tiennent à cœur : reformater l'administration publique, qui est aujourd'hui au service d'un individu ou d'un groupe d'individus, pour la mettre au service de tous les Congolais ; assurer la sécurité, dans son acception la plus large (sécurité du territoire, sécurité individuelle, sécurité alimentaire, etc.) et puis redistribuer équitablement les richesses. Ce sont les préalables à la création de la cohésion nationale sans laquelle les gens ne peuvent pas travailler ensemble au développement. Un État repose sur trois piliers : la paix, l'unité et la cohésion nationale.
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