Société
Qui a tué Mamadou Ndala ? Six ans après l’assassinat du héros de la guerre contre les rebelles du M23, la version officielle retient que le meurtre de Mamadou Ndala a été planifié par des militaires congolais et exécuté par les rebelles ougandais des ADF. Au coeur de ce qui apparaît comme un règlement de compte au sein de l’armée congolaise, un coupable est rapidement désigné : le lieutenant-colonel Birocho. Au cours du procès qui se tient en novembre 2014, un témoin anonyme, et dissimulé pendant l’audience, désigne l’officier congolais comme le coordonateur de l’attaque du convoi de Mamadou Ndala dans les environs de Beni.
Le lieutenant-colonel Birocho aurait fourni des uniformes de l’armée régulière et l’itinéraire de Mamadou Ndala à des membres de la rébellion ADF. A l’issu du procès, le lieutenant-colonel Birocho et quatre rebelles ougandais sont condamnés à mort. Des peines qui seront commuées en réclusion à perpétuité, la République démocratique du Congo observant un moratoire sur la peine capitale.
Témoin masqué et décès du chauffeur de Ndala
Six ans plus tard, le lieutenant-colonel Birocho Nzanzu clame toujours son innocence depuis sa prison de Ndolo, où il est depuis quelques jours souffrant et alité. Il faut dire quel le procès du meurtre de Mamadou Ndala a été des plus rocambolesques. Le témoin à charge « surprise » est intervenu plusieurs mois après son interrogatoire et s’est présenté à la barre un mois après l’ouverture du procès. Une apparition de dernière minute qui a interrogé la défense du militaire congolais. Enfin, le témoin-clé de l’embuscade contre Mamadou Ndala, le propre chauffeur du colonel, le seul à même d’identifier les auteurs de l’attaque, meurt mystérieusement pendant le procès – voir notre article.
Mais c’est surtout l’absence de preuves que dénonce Birocho depuis sa cellule de Ndolo. Contacté par un intermédiaire, l’officier de la direction de contrôle des frontières, attend toujours de savoir « Quels ADF que j’aurai recruté et qui auraient participé à l’assassinat de Ndala ont été présentés à la Cour ? Pas un seul. Quelles tenues militaires et munitions ont été retrouvées auprès de l’ennemi ou sur le lieu de l’embuscade ? Aucune. Quels documents prouvant que j’étais fournisseur des ADF ? Aucun. Il n’y a pas eu d’examen balistique pour déterminer le type et l’origine des armes et des munitions que l’ennemi a utilisé dans l’embuscade. »
Un bouc émissaire…et la piste Mundos
Pour le lieutenant-colonel Birocho, « aucun élément et aucune preuve n’ont été présentés devant la Cour, sinon les allégations calomnieuses du fameux témoin, fabriquées de toute pièce pour trouver un bouc émissaire dans ce procès et dédouaner certains de la vérité des faits. » Le militaire rappelle également que tous les témoins à décharge ont été victimes « d’intimidations ou d’arrestations arbitraires ». Derrière l’assassinat de Mamadou Ndala, la piste la plus souvent évoquée est celle d’un règlement de compte interne à l’armée congolaise. Une piste accréditée par les premières arrestations. Les enquêteurs ont d’abord mis la main sur le colonel Tito Bizuru Ogabo et sur un garde du corps de Ndala.
Mais il y a une piste plus sérieuse qui se dessine autour d’un autre militaire : le général Akili Mundos. Cet officier supérieur était dans la région en 2014, à la tête d’un bataillon envoyé par Joseph Kabila pour prêter main forte au colonel Mamadou Ndala. Une « rivalité » entre les deux hommes a longtemps été évoquée par plusieurs sources à l’époque. Depuis, ce général est souvent cité dans des rapports d’ONG, pour la possible implication de ses hommes dans des attaques attribuées aux ADF. En 2017, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) voyait même en Mundos un co-auteur de certains massacres de masse – voir notre article.
« Rétablir la vérité sur le théâtre qui s’est joué à Beni »
Pour le lieutenant-colonel Birocho, il est désormais temps d’établir « la vérité des faits et (s)on innocence. » Le militaire affirme qu’il a plusieurs fois dénoncé à sa hiérarchie « l’existence d’un réseau interne et externe de l’ennemi ADF » au sein l’armée congolaise. Et de rappeler qu’il est « impérieux que l’on s’interroge sur la vraie identité de l’ennemi, de ses collaborateurs, de ses intentions, de ses ressources… » Avec l’arrivée de Félix Tshisekedi à la présidence, le lieutenant-colonel Birocho estime que la restauration de l’Etat de droit passe par « le rétablissement de la vérité sur le théâtre qui s’est joué à Beni. » Le militaire demande donc la révision de son procès, mais également la grâce du nouveau président congolais.
Alors que le bras de fer est toujours tendu entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila pour le contrôle de l’armée congolaise, un nouveau procès de l’assassinat de Mamadou Ndala, pourrait changer ce délicat rapport de force. Les soutiens du lieutenant-colonel Birocho y voient une chance pour Félix Tshisekedi de continuer la réorganisation de l’armée congolaise à sa main. Depuis plusieurs mois, les FARDC sont en pleine tempête, après la suspension, puis la mort du patron des renseignements militaires, Delphin Kahimbi, et la mise à l’écart du général Fall Sikabwe, accusé de malversation. Le cas Birocho est désormais entre les mains du président Tshisekedi.
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