Politique
L'objectif, derrière, précise l'élu d'Idiofa, n'est autre que de clarifier la teneur du pouvoir d'injonction du ministre de la Justice sur les magistrats du parquet, alors que ses contradicteurs y voient la caporalisation.
Les propositions de loi déposées au bureau de l'Assemblée nationale, le vendredi 19 juin dernier, par les députés Aubin Minaku et Garry Sakata suscitent des réactions tous azimuts tant dans l'arène politique que dans le milieu des organisations de la société civile. Chaque corporation y va de sa lecture. En gros, les organisations qui ont réagi accusent l'auteur de ces propositions de loi de vouloir mettre les magistrats dans la coupe du ministère de la Justice.
C'est le cas de la plateforme Lamuka qui, à travers un communiqué signé hier mardi, appelle les professionnels de la Justice et l'ensemble du peuple congolais, à la plus grande vigilance, face à ce que ce regroupement d'opposants qualifie de la poursuite des manœuvres d'appropriation de la magistrature debout entamées depuis le mois de janvier 2011, à l'occasion de la révision de l'article 149 de la Constitution.
Les quatre leaders de cette plateforme constituée pour désigner un candidat commun de l'opposition à la présidentielle de décembre 2018 affirment que ces trois propositions de loi tendent à faire des procureurs de la République des commissaires du Gouvernement, mieux des agents du ministère de la Justice, au mépris du principe de l'indépendance des magistrats.
De l'avis de Lamuka, ces propositions de loi présentent un risque non seulement d'intrusion du Gouvernement dans l'activité quotidienne du magistrat et de celle du Conseil supérieur de la magistrature, mais aussi portent en elles un risque d'inanition de l'action du ministère public.
Des dénonciations qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à celles développées par le Syndicat autonome des magistrats du Congo ( Synamac) contenues dans une déclaration faite au terme d'une réunion qu'il a tenue le lundi 22 juin au cours de laquelle les magistrats ont passé au crible ces trois propositions de loi.
Les magistrats soutiennent que ces propositions de loi visent à étouffer l'indépendance de la Justice en soumettant le ministère public sous le joug politique du ministre de la Justice qui assurera désormais son contrôle et sa direction.
Ils disent se réserver le droit, au cas où ces propositions de loi ne sont pas retirées ou rejetées, de saisir le chef de l'État Félix-Antoine Tshisekedi par voie de pétition, pour obtenir le rejet de ces propositions de loi.
"Après lecture minutieuse de ces trois propositions de loi, le Synamac note qu'elles violent la constitution en ce qu'elle dénaturent son exposé de motif qui consacre la séparation nette des trois pouvoirs et qu'elles travestissent la portée des articles 81, 149, 151, et 152 et 220 de la constitution qui consacrent l'indépendance de la justice", déclare-t-il.
Ces magistrats annoncent la tenue, ce mercredi 24 juin, à la Cour d'appel de Kinshasa Matete, d'une assemblée générale extraordinaire pour envisager des actions d'envergure à mener dans le but de barrer la route à ces propositions de loi qui, indiquent-ils, cherchent à faire reculer le pays, pourtant engagé sur le chemin de l'établissement d'un véritable Etat de droit.
Confrontées aux prévisions données par le député national Aubin Minaku, au cours d'une émission sur la radio Top Congo ces dénonciations donnent matière à réfléchir. Est-ce des intentions que l'on prête à l'auteur de ces propositions de loi? Aubin Minaku est-il mal compris ou il sert effectivement de canal par lequel les "officines politiques" passent pour caporaliser l'appareil judiciaire congolais ? Autant de questions que plusieurs analystes se posent dès lors.
Comme s'il le savait, Aubin Minaku a, au cours d'une émission sur la radio Top Congo le weekend dernier, anticipé des réponses à certaines intentions que d'aucuns prêteraient à ces propositions de loi. Il a précisé que l'objectif, derrière, n'est autre que de clarifier la teneur du pouvoir d'injonction du ministre de la Justice sur les magistrats du parquet, pouvoir dont parle déjà la Constitution sans toutefois en préciser la portée.
Contrairement à ce qui se raconte, Aubin Minaku indique qu'aucune disposition de ces propositions de loi donne au ministre de la Justice le pouvoir de nommer, de révoquer ou de suspendre les magistrats. Nulle part aussi, martèle-t-il, il est dit que le ministre de la Justice aura le pouvoir de bloquer le cours d'une instruction prejurictionnelle.
" Il y a des cas où il y a iniquité grave suite à certaines décisions prises au niveau du parquet. Celui qui reçoit ces doléances, c'est le ministre de la Justice. C'est lui qui dispose d'un tableau venant du peuple par rapport à la probité des magistrats. Pourquoi pas lui donner le droit de constater ces fautes et saisir les organes compétents pour sanctionner les magistrats" fait remarquer l'élu d'Idiofa.
L'ancien speaker de l'Assemblée nationale indique au-delà du fait de donner au ministre de la Justice le pouvoir de constater les abus des magistrats, l'une des grandes innovations de ces propositions de loi c'est de créer un cadre de concertation permanent entre le ministre de la Justice et les magistrats autour de la conduite de la politique pénale de la nation.
Il appelle à la déposition de ces propositions de loi qui, affirme-t-il, ne visent qu'à améliorer le fonctionnement de l'appareil judiciaire en RDC. Il encourage les magistrats et tout citoyen désireux de s'inviter dans le débat, à entrer en contact avec la commission PAJ de la chambre basse du Parlement où ces propositions de loi sont actuellement en examen pour éventuels amendements.
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