Politique
Docteur et chercheur en Droit public, spécialité Droit constitutionnel et Institutions politiques de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et Expert en administration d’élections et bonne gouvernance, Me Martin Mulumba a, dans une interview exclusive accordée au Potentiel, commenté l’actualité dominée par la crise politique qui a conduit le chef de l’État à initier des consultations pour créer l’Union sacrée de la Nation. Selon lui, c’est un Félix Tshisekedi déterminé à trouver des solutions pour le bien- être congolais qu’il a rencontré.
Ayant prédit l’échec de la coalition FCC-CACH, M. Mulumba indique qu’il y a de l’espoir dans la conception du pouvoir de Félix Tshisekedi. Et comme arbitre, à la lumière de l’article 69 de la Constitution, il revient au président de la République de débloquer la situation.
De la France, vous êtes venu répondre à l’invitation du chef de l’État concernant les consultations qu’il a initiées. Dans quel état d’esprit avez-vous trouvé le président de la République lorsqu’il vous a reçu ?
J’ai trouvé le président de la République dans l’état d’esprit de quelqu’un qui veut construire quelque chose. J’ai vu un homme à la recherche des solutions pour le bien-être des Congolais. J’ai découvert un monsieur humble et simple.
Qu’est-ce que vous lui avez proposé au regard de la crise politique actuelle ?
J’ai apporté au président de la République un exemplaire de ma thèse de doctorat. Je fais une thèse à la Sorbonne qui a porté sur la conception de la fonction présidentielle en République démocratique du Congo. J’ai rappelé au président de la République que dans son message du 23 octobre dernier, il a démontré qu’il y a des divergences persistantes au sein de la coalition. Déjà au mois de septembre 2019, j’avais fait une conférence à Paris avec pour thème : « la conception de l’exercice du pouvoir de Félix Tshisekedi ». Et j’avais démontré qu’il y avait un espoir parce que le président concevait son pouvoir comme celui du peuple.
Il met le peuple comme essence et fondement de sa vision politique. Et cela nous rappelle la définition qu’Abraham Lincoln donnait de la démocratie : « le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ». Je disais qu’avoir un président qui met le peuple comme l’essence et le fondement de sa vision politique, il y a un espoir. Mais le président a choisi une coalition avec le président sortant et que le fondement de cette coalition me semblait fragile. Ce qui est arrivé aujourd’hui, je l’avais prédit en septembre 2019 à Paris. Je me disais, au sein de la coalition, il y a une méfiance réciproque.
Comment est-ce que le président peut construire un État de droit s’il a une majorité où les gens ne parlent pas un même langage ? J’ai rappelé tout cela au président de la République. Je lui ai également dit que la Constitution l’établit comme chef de l’État. Elle fait de lui un arbitre attitré pour le fonctionnement régulier des services publics et des institutions. Et donc, la décision lui appartient pour débloquer la situation. Je lui ai dit de ne pas avoir une main qui tremble parce que le peuple croupit dans la misère. J’ai vu dans ses yeux qu’il a vraiment l’intention que les choses changent. Et on lui fait confiance.
Pensez-vous qu’il dispose d’une marge de manœuvre suffisante au regard de la Constitution pour changer le tournant des choses ?
La Constitution de la RDC consacre un régime parlementaire. C’est parce qu’il y a la responsabilité du gouvernement. Ce régime que d’aucuns le qualifient de semi-présidentiel. C’est un régime parlementaire qui peut fonctionner sous deux systèmes : le présidentialiste, quand le président de la République et la majorité parlementaire sont du même bord politique et le système parlementaire quand le président de la République et la majorité parlementaire sont de bord politique différent.
C’est ici qu’on recourt à la coalition mais une coalition qui doit servir les intérêts du peuple. Ce n’est pas le cas. Et c’est vrai que le régime parlementaire congolais donne moins de pouvoirs propres au président de la République et plusieurs pouvoirs partagés. Mais dans un tel régime, il doit y avoir des concertations. C’est défini par la Constitution, une harmonie républicaine. C’est cette harmonie qui n’existe pas avec le FCC-CACH. Cependant, l’article 69 de la Constitution fait du président l’arbitre. Il est le chef de l’État. Il lui revient de débloquer la situation. La Constitution lui donne des moyens politiques et juridiques de sa fonction présidentielle.
Vous parlez du régime parlementaire pour la RDC. Un autre spécialiste en Droit constitutionnel a parlé plutôt du régime primo-ministériel ?
Je n’ai pas suivi ce débat. Mais le régime primo-ministériel est un régime où le président de la République n’a que des pouvoirs protocolaires. Or, quand vous lisez la Constitution congolaise, elle établit un régime parlementaire qui peut fonctionner sous un système présidentialiste et le système parlementaire. Mais la Constitution congolaise donne certains pouvoirs propres au président de la République. Donc, ce n’est pas un arbitre passif mais c’est un arbitre actif. Il a aussi des pouvoirs qui sont partagés avec le Premier ministre mais dont lui-même initie, c’est parce que le Premier ministre ne va que le contresigner.
Dans le contexte de la crise actuelle, l’Union sacrée de la Nation est-elle une recette miracle ?
Vous dites bien l’Union sacrée de la Nation. Qui peut être contre la nation si on est vraiment Congolais ? On peut être de tel ou tel parti politique et servir la nation. Je pense que tout Congolais a sa place dans cette union.
Vous venez de faire un don d’ouvrages à la Cour constitutionnelle, à l’Université de Kinshasa, à l’Université pédagogique nationale et au barreau de Kinshasa-Matete. Que peut-on retenir de ce geste ?
C’est un geste patriotique. C’est une récompense à ma thèse de doctorat à la Sorbonne. Quand on parle de la reconstruction de la RDC, ce n’est pas seulement l’affaire du chef de l’État. Chacun de nous, selon ce qu’il peut faire, doit apporter sa pierre à la reconstruction du Congo. C’est ainsi que j’ai apporté ce lot d’ouvrages de codes de droit qui peuvent être utiles au niveau des bibliothèques universitaires, au niveau du barreau et de la Cour constitutionnelle. Je profite, à cet effet, pour lancer un appel à tous les compatriotes. Chacun là où il est, de ce qu’il peut faire, le pays a besoin de tout le monde.
Expert en administration d’élections et bonne gouvernance, quelles sont, selon vous, les faiblesses et les points forts des cycles électoraux en RDC depuis 2006 et que proposez-vous en termes d’amélioration ?
Le bilan que je fais des cycles électoraux depuis 2006 à ce jour, est mitigé. Je peux même dire qu’il est négatif. Quand vous prenez les élections de 2006, de 2011 et de 2018, elles ont un point commun, c’est l’absence de transparence. Je n’ai pas beaucoup de rigueur pour les élections de 2006 parce que le pays avait connu une grande période sans élections. Je m’attendais à l’amélioration en 2011, hélas ! Et puis en 2018, c’est encore la catastrophe. Je pense qu’il faut revoir le système électoral congolais. C’est incontournable. C’est même là qu’il faut commencer cette reconstruction de la démocratie. Quand vous lisez la Constitution, il est dit que la souveraineté nationale appartient au peuple. Il l’exerce par référendum ou par élection. Si tout doit être opaque, je pense qu’on doit revoir la loi électorale qui a démontré ses limites et aussi la loi portant organisation et fonctionnement de la Céni. Cette commission joue un rôle très important pour la construction de la démocratie. Elle doit être la maison du peuple. Mais à voir ce qui s’est passé en 2006, 2011 et 2018, on a eu à faire à une Commission électorale qui n’était indépendante que par le nom. Il y a aussi la question de la désignation du président de la Céni par des confessions religieuses. On a vu ce qui s’est passé en juillet dernier avec des manifestations… Il n’est pas normal que seules les confessions religieuses, il y en a sept ou huit, se réunissent et décident le sort de tout un peuple ! Vu les pouvoirs qui sont reconnus au président de la Céni, vu ce qui s’est passé avec l’abbé Apollinaire Malumalu, paix à son âme, avec le pasteur Ngoy Mulunda, avec Corneille Nangaa, on a vu qu’un président de la Céni peut sceller le sort d’un peuple par ses décisions. Alors la désignation d’une telle personnalité doit se passer dans une transparence totale. Les Congolais doivent connaitre quels sont les critères pour être président de la Céni. Voyons ce qui se passe dans d’autres pays africains. Les gens qui président à des commissions électorales répondent aux critères de compétence et de l’intégrité morale. Pour tout ça, on doit mettre les choses sur la table pour éviter les erreurs du passé.
Que conclure ?
Je demande à notre classe politique de prendre conscience de la misère de la population. Le mal congolais c’est sa classe politique qui est composée essentiellement des trafiquants politiques. Ils font de la politique un fonds de commerce, un service à se rendre et non pas un service à rendre à la population. Or, la politique est un moyen pour servir le peuple. Que les uns et les autres puissent avoir conscience qu’ils doivent léguer ce pays aux nouvelles générations dans un état acceptable, dans un état où eux-mêmes doivent être fiers.
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