Ukraine: l'assaut russe dans la région de Kharkiv «arrêté», mais la situation reste «difficile», selon l'armée

L'Ukraine a assuré vendredi 24 mai avoir « arrêté » l'assaut russe sur la région de Kharkiv, en cours depuis deux semaines, et avoir commencé une contre-attaque dans ce secteur du nord-est de son territoire. La Russie s'est emparée de plusieurs localités du secteur et a forcé l'Ukraine à déployer de précieux renforts dans la zone.

Les habitants de la région de Kharkiv pourraient connaître un peu de répit. Après deux semaines de combats dans la région de Kharkiv, « les forces de défense ukrainiennes ont arrêté les troupes russes » et « mènent des actions contre-offensives », a en tout cas affirmé le colonel Igor Prokhorenko vendredi 24 mai.

Ce responsable de l'état-major de l'armée ukrainienne qualifie toujours la situation de « difficile » mais « stable et sous contrôle » alors que des affrontements avaient lieu depuis plusieurs jours pour le contrôle de la ville de Vovtchansk, coupée en deux et où Kiev a accusé les forces russes d'exactions. « L'ennemi est complètement enlisé dans des combats de rue à Vovtchansk et a subi des pertes très importantes », a abondé vendredi le général Oleksandre Syrsky, le commandant en chef de l'armée ukrainienne, affirmant que Moscou envoyait des « réserves » pour continuer son assaut.

Avant ces déclarations, jeudi encore, une quinzaine de missiles ont frappé la deuxième plus grande ville d'Ukraine, située à seulement 30 kilomètres de la frontière russe, provoquant la mort de sept civils et en blessant 16 autres. Et des infrastructures ferroviaires régionales, vitales pour l'économie et les déplacements dans un pays privé de liaisons aériennes depuis plus de deux ans, avaient aussi été endommagées dans la nuit de jeudi à vendredi.

« Je me suis habituée aux explosions »

Malgré les risques et la pression des combats près de Kharkiv, une évacuation de la ville n’est pas à l’ordre du jour. Barbara, 18 ans, se trouvait à Kharkiv quand les Russes ont ouvert un nouveau front dans la région. Affairée à travailler sur son ordinateur, « tout d’un coup il y a eu une énorme explosion, c’était affreux », relate-t-elle aux envoyés spéciaux de RFI à Kiev, Nathanaël Vittrant et Bertrand Haekler. L’étudiante en droit à l’université nationale de Kharkiv vient de passer quelques jours en Pologne et compte bien « rentrer » à Kharkiv pour « finir [s]a première année ». Pour elle, pas question de quitter Kharkiv, bien que sa mère s’inquiète pour sa sécurité et souhaiterait qu’elle « aille étudier à Lviv, dans l’ouest du pays ». « Honnêtement, je me suis habituée aux explosions et à cette vie. Cela fait peur, mais j’aime cette ville », confie-t-elle.

Le président Volodymyr Zelensky a quant à lui annoncé être vendredi à Kharkiv pour des réunions sur la « défense de la région ». « Nos soldats ont pu reprendre l'initiative dans les combats dans la zone frontalière où les occupants russes sont entrés », a-t-il assuré.

Selon Kiev, la Russie cherche à étendre jusqu'à la rupture les lignes défensives des forces ukrainiennes, affaiblies par deux ans de guerre, le manque de nouvelles recrues et des pénuries d'armes dues à des mois de tergiversations occidentales.

La précieuse aide américaine et ses missiles Atacms

Face à cette situation, les États-Unis ont annoncé vendredi l'envoi d'une nouvelle tranche de 275 millions de dollars d'armements pour « aider l'Ukraine à repousser l'offensive de la Russie près de Kharkiv ». Kiev peut aussi compter sur d’autres armes récemment livrées par les Américains pour sécuriser les autres parties du front : les ATACMS (Army TACtical Missile System, système de missiles tactiques de l’armée), un missile sol-sol tactique particulièrement efficace.

Washington avait déjà fourni des Atacms à l'Ukraine, dont la portée n'excédait pas 160 kilomètres. Cette fois, c'est la version la plus moderne dotée d'une portée de 300 kilomètres et d'une charge bien plus importante qui arrive sur le front.

Grâce à cette artillerie roquette d'une redoutable précision, les Ukrainiens, rappelle l'expert aéronautique Xavier Tytelman à Franck Alexandre, journaliste spécialiste des questions de défense à RFI, sont parvenus à détruire le 19 mai un dragueur de mines dans le port de Sébastopol et à neutraliser ce 23 mai un système de défense S400 dont la valeur excède un milliard d'euros.

L’effet des Atacms est « très important », souligne Xavier Tytelman, puisqu’il « réduit la défense aérienne russe », ce qui contribue à « préparer l'arrivée des avions de chasse, les F-16 ». Toutefois, « si les Ukrainiens veulent arrêter le flux de matériel, d'hommes, d'équipements et de munitions, ils devraient pouvoir taper dans la profondeur », poursuit l’analyste. Autrement dit, employer ces armes sur le territoire russe, ce que les Américains ne permettent pas actuellement, de crainte d'une escalade, ce qui freine « l’effet stratégique » des Atacms.

Le président Zelensky multiplie les interventions pour que les Européens et les Américains l'autorisent à utiliser les armes fournies pour frapper en territoire russe les bases-arrière de l'armée. De son côté, la Russie, qui a mis en ordre de bataille son industrie de l'armement, a déclaré vendredi préparer une visite du président Vladimir Poutine en Corée du Nord, un pays d'ores et déjà soupçonné de fournir des milliers de tonnes d'obus et d'autres munitions à la Russie.