Société
La commission électorale a fixé, dimanche 5 novembre, la date des prochaines élections au 23 décembre 2018. Mais son président n’a guère rassuré sur la fiabilité de ce calendrier, tant les contraintes sont importantes. L’opposition dénonce une stratégie du président Kabila pour s’accrocher au pouvoir.
Les élections présidentielle, législatives, provinciales et locales en République démocratique du Congo (RDC) ont été fixées au dimanche 23 décembre 2018. C’est ce qu’a annoncé la commission électorale congolaise (Ceni) ce dimanche. Mais ce nouveau calendrier, qui reporte d’une année les élections générales en RDC, reste une “hypothèse optimiste”, selon le propre aveu du président de la Ceni. Corneille Nangaa estime que les contraintes sont nombreuses pour organiser le scrutin dans les délais.
La Ceni avait déclaré avoir besoin de 504 jours pour boucler le processus électoral, mais devant le tollé de l’opposition congolaise et de la communauté internationale, qui redoute que le pays s’embrase, la commission a ramené à 306 jours le délai entre la fin de l’inscription des électeurs sur les listes électorales et le jour du vote. Un pari qui semble difficile à tenir.
Un défi logistique, financier et sécuritaire
Entre le manque de moyens financiers, les violences au Kasaï et dans le Kivus (provinces respectivement dans le centre et dans l’est du pays), la commission électorale doit faire face à un important défi logistique, dans un pays-continent où toutes les infrastructures de communication font défaut. Corneille Nangaa est resté assez flou sur les moyens nécessaires pour déployer le matériel électoral sur un territoire grand comme cinq fois la France.
Le nouveau calendrier laisse en effet 23 jours à la Ceni et aux Casques bleus de la Monusco [Mission de l’Organisation des Nations unies en RDC] pour distribuer le matériel électoral aux quatre coins de la République, contre 75 jours lors des élections de 2006 et 2011.
Le déploiement des tonnes de bulletins de vote demande plus de 100 avions et aujourd’hui il n’y en a que… 2, avoue le patron de la commission électorale. Autant dire que cette nouvelle date du 23 décembre 2018 après un premier report fin 2017, paraît des plus hypothétiques. Car le rapporteur adjoint de la Ceni l’a bien rappelé : “Si les contraintes persistaient, la mise en œuvre du calendrier pourrait être modifiée.”
En attendant, ce second report des élections, qui devaient se tenir en décembre 2016, puis en 2017, offre sur un plateau une année supplémentaire de pouvoir au président Joseph Kabila. La commission électorale joue habillement avec le calendrier, en ne froissant pas la communauté internationale qui avait donné au pouvoir, par la voix de l’ambassadrice américaine (auprès de l’ONU) Nikki Haley, jusqu’en 2018 pour organiser la présidentielle.
Un “calendrier fantaisiste” pour l’opposition
Mais Joseph Kabila tiendra-t-il promesse ? L’opposition politique congolaise en doute. Elle accuse le président congolais, dont le dernier mandat a expiré le 19 décembre 2016, de vouloir s’accrocher au pouvoir et de chercher à retarder le processus électoral par tous les moyens (la Constitution interdit à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se représenter pour un nouveau mandat).
Et les prétextes ne manquent pas ! En dehors des problèmes financiers, logistiques et sécuritaires, la commission électorale souhaiterait enrôler pour la première fois les Congolais de l’étranger et mettre en place le vote électronique… Deux nouveaux dispositifs qui pourraient retarder l’organisation des élections.
L’opposition ne s’y est pas trompée en rejetant en bloc le nouveau calendrier et en demandant le départ de Joseph Kabila, qu’elle juge comme le principal responsable du chaos préélectoral. L’opposant Moïse Katumbi, en exil forcé en Europe, a annoncé ne pas reconnaître “ce calendrier fantaisiste”, alors que pour Félix Tshisekedi “l’heure est venue de chasser Joseph Kabila” du pouvoir.
Face à l’impasse politique, le mouvement citoyen La Lucha ne voit qu’une seule issue pour vivre enfin une alternance politique au Congo : faire appel à la rue. Pour ces opposants, le calendrier électoral publié aujourd’hui constitue “une déclaration de guerre”, et ils lancent un appel “à la désobéissance civile”.
Joseph Kabila joue avec le feu
En reculant une nouvelle fois la date des élections, le président congolais joue avec le feu. Et fait un pari risqué : s’accrocher au pouvoir jusqu’en décembre 2018… et peut-être plus.
La fin de l’année 2017 sera donc explosive à Kinshasa. Ce nouveau report de la présidentielle ne peut qu’accroître la frustration et la colère des Congolais alors que les violences des groupes armés se poursuivent au Kasaï et dans le Kivu. Des Congolais qui ont l’impression de ne plus pouvoir compter que sur eux-mêmes
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Une femme passant devant le siège de la Commission électorale (CENI) à Kinshasa, le 5 novembre 2017. (© John Wessels/AFP)