Politique
A 170 jours du 23 décembre et du passage par les urnes en République démocratique du Congo, une série de chantiers suscitent bien des interrogations et laissent entrevoir les limites d’un processus qui se voudrait vraiment démocratique.
Voici un bref passage en revue des avancés et des obstacles du processus électoral répertorié par le journal belge la Libre Belgique.
1. Le fichier électoral
Les experts de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont repéré que plus de 16 % des inscrits sur cette liste étaient des électeurs mal enregistrés (manque d’empreintes digitales). A 170 jours du passage par les urnes, impossible, sous peine de devoir reporter encore une fois le scrutin, de recommencer tout le travail. Par contre, si l’OIF a pu repérer les inscrits qui n’ont pas été correctement enregistrés, il paraît possible de supprimer tous ces noms du fichier. Cela représente tout de même près de 7 millions d’électeurs « douteux ».
La machine à voter. Aucun consensus n’existe sur l’utilisation de cette machine qui est une trouvaille de la CENI et de personne d’autre. Malgré les propos de Corneille Nangaa, le patron de la CENI, qui se veut totalement rassurant sur la qualité de cette machine, le doute est permis. En Irak, où elle a été utilisée récemment, il a fallu retourner aux urnes dans certaines régions, tant les irrégularités étaient nombreuses.
Qui plus est, en RDC, le recours à cette machine n’a aucune base légale. Nulle part, son utilisation n’a été prévue… même dans le calendrier de la CENI qui parle des délais nécessaires pour l’impression des bulletins de vote à l’étranger.
La décrispation
L'Accord de la Saint-Sylvestre dispose d’un article qui prévoit la décrispation politique.
Prévue dans l’Accord de la Saint-Sylvestre. Les évêques congolais de la CENCO sont parvenus à un accord le 31 décembre 2016. Accord qui est le fondement même de la prolongation du mandat de Joseph Kabila jusqu’au scrutin du 23 décembre. Sans ce texte, signé par la majorité et l’opposition, rien de ce qui se fait aujourd’hui en RDC n’a de sens. Or, cet Accord dispose d’un article qui prévoit la décrispation politique. Il parle notamment, de la libération des prisonniers politiques, du retour des opposants, de l’ouverture des médias, de la libetrté de faire campagne…
Or, jusqu’ici, en plus de 18 mois, rien, ou presque, n’a été fait. Les évêques congolais viennent de redire leur incompréhension face à cette situation. Sans dcrispation, pas d’élections libres et transparentes.
La cour constitutionnelle
Les Hauts magistrats de la Cour Constitutionnelle ont prêté serment devant le Président Joseph Kabila le mercredi 4 juillet 2018.
Preuve qu’avec de la volonté politique on peut faire bouger les choses, la cour constitutionnelle a été largement recomposée par le pouvoir en place. Ici, les délais ont même presque été respectés.
Cette cour constitutionnelle qui sera amenée à trancher les éventuelles conflits électoraux est majoritairement composée d’éléments pro-Kabila. C’est cette cour qui pourrait être amenée à se prononcer sur une éventuelle candidature de Joseph Kabila, si celui-ci devait décider de se représenter malgré la limite de deux mandats successifs inscrite dans la Constitution congolaise.
Difficile dans ce contexte, de voir cette cour comme autre chose qu’un instrument de plus entre les mains du pouvoir...
Le financement du scrutin
En avril, le Premier ministre assurait à la CENI la détermination du Gouvernement à remplir son rôle dans le financement des élections.
Le pouvoir en place veut organiser ces scrutins sans recourir au financement extérieur. Il est absolument impossible, avec les réserves dont dispose le pays, d’organiser et de garantir la bonne tenue d’une élection sur toute l’étendue d’un pays grand comme un continent mais ne disposant ni de routes, ni d’électricité. Dans ce contexte, l’opacité risque d’être de mise. La porte ouverte à toutes les tricheries.
Le piège du boycott
Dans ce contexte, la tentation la plus évidente – et peut-être la plus attendue par le pouvoir en place – est le boycott du scrutin. Un scrutin mal préparé, où les principaux adversaires potentiels seraient exclus, avec une machine à voter qui fait craindre les pires « arrangements » et une cour constitutionnelle prête à avaliser tous les caprices du pouvoir. Or, un boycott ne peut servir que les intérêts de ceux qui sont en place aujourd’hui. L’opposition congolaise doit donc plutôt tout mettre en œuvre pour être prête le jour J.
Où est le bloc de l’opposition ?
Du côté purement politique, le bloc de la majorité politique composé autour du FCC fait face aujourd’hui à la dispersion de l’opposition. Moïse Katumbi avec Ensemble est le seul front à lui faire face. Les autres leaders, les Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe et autre Martin Fayulu tentent vaille que vaille de s’organiser dans leur coin avec des positions très différentes. Certains prônent le boycott, d’autres, exangues financièrement, ne diraient pas non à un report du dépôt des listes, et tant pis s’il faut reporter un peu le passage par les urnes, histoire de trouver l’argent nécessaire.
Et quid de Jean-Pierre Bemba ?
L’idée d’un retour imminent de l’ancien vice-président, sorti le mois dernier des geôles de la CPI, a été douché ce 4 juillet lors de l’appel dans le dossier pour subornation de témoin. Bemba n’est peut-être pas encore sorti d’affaire. Le parquet de la CPI ne lâche pas le dossier et réclame 5 ans de prison. L’examen du dossier se poursuit sans qu’une date ait été fixée. Bemba risque donc d’être le grand absent de ce scrutin sans que personne ne puisse présager des consignes que pourrait donner le colosse contraint de demeurer pour l’instant à Rhodes, dans la banlieue bruxelloise.
Le rôle de la communauté internationale
Dans un tel contexte, il est évident que la communauté internationale (en bilatéral – Etats-Unis, Belgique, France,… – ou en multilatéral, via l’UA, l’UE, l’ONU…) a un rôle à jouer en faisant pression sur le pouvoir en place pour qu’il respecte ses engagements (Accord de la Saint-Sylvestre), sa Constitution (pas de 3e mandat) et ses propres textes (le calendrier électoral de la CENI qui ne prevoit pas la machine à voter).
Interventionnisme, atteinte à la souveraineté nationale, répondront en choeur ceux qui veulent s’accrocher au pouvoir coûte que coûte. Et tant pis pour le sort de plus de 80 millions de Congolais qui vivent aujourd’hui dans un pays sans Etat. Quatre-vingts millions qui constituent aussi la source de la plus importante masse de déplacés.
Plus de trois millions de Congolais ont dû fuir leurs terres ces derniers mois. Un déplacement forcé qui occasionne des centaines de milliers de morts, qui fait vaciller des régions entières incapables d’accueillir un tel flot de réfugiés, ce qui entraîne de nouveaux affrontements, de nouvelles famines et qui prive toute une génération de Congolais de tout avenir. Un flux de réfugiés qui occasionne aussi son lot de tensions dans les pays voisins et est synonyme de possibles déstabilisations dans les 9 (!) pays qui entourent la RDC.
Le risque est majeur
La communauté internationale a donc le droit et même l’obligation de faire pression sur le pouvoir en RDC pour qu’il organise de vraies élections afin de juguler cette déstabilisation annoncée et les centaines de milliers de morts, voire plus, qui découleront inévitablement de ce pourrissement de la situation.
Les pays de la région en sont conscients. Le reste du monde ne pourra pas dire qu’il ne savait pas...
L’Union européenne qui est déjà aujourd’hui en difficulté sur la question de l’accueil des réfugiés, ne peut se contenter d’être le témoin passif d’une crise potentielle majeure qui concernerait non seulement les dix Etats d’Afrique centrale mais tout un continent et donc le monde entier.
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