Dossier
Décidément, les choses se gâtent de plus en plus pour Alexis Thambwe Mwamba. Chargé par une cinquantaine de députés à la suite des évasions massives des prisonniers lesquelles lui a valu une motion de défiance à la Chambre basse, le ministre de la justice n'est pas au bout de ses peines. Il vient d'être rattrapé pour une affaire qui remonte à 1998 lorsqu'il évoluait encore sous le statut de RCD. Cette rébellion installée à Goma avait combattu avec acharnement le régime de Kinshasa jusqu'à interdire le survol du territoire sous son contrôle de tout aéronef provenant d'ailleurs, pour des raisons sécuritaires.
La compagnie Congo Airlines a fait les frais de cette espèce de suspicion généralisée qui avait envahi les leaders de cette rébellion. La destruction en plein vol de son Boeing 727 en constitue une preuve. Les faits se sont déroulés aux abords de Kindu dans un contexte de guerre le 18 octobre 1998. Les cinquante personnes dont quarante-trois civils, essentiellement des femmes et des enfants, et sept membres d'équipage ont péri à la suite du crash.
L'actuel ministre de la Justice, qui était alors responsable des relations extérieures du RCD, avait déclaré le jour même à l'AFP que "la rébellion avait abattu un avion civil avec à son bord 40 militaires et du matériel de guerre alors qu'il atterrissait sur l'aéroport de Kindu". Mais selon la compagnie aérienne, l'avion avait en fait été abattu peu après avoir décollé de Kindu avec à son bord des civils fuyant les combats.
C'est ainsi qu'une plainte contre le ministre de la Justice pour crime contre l'humanité a été introduite en Belgique par des familles de victimes du crash et que le parquet de Bruxelles a décidé d'ouvrir une instruction sur ce dossier.
Depuis l'annonce de cette enquête, les relations diplomatiques entre Kinshasa et Bruxelles – qui n’était déjà plus au beau fixe suite à des nouvelles sanctions infligées en mai par l’UE – se sont encore davantage crispées.
Le gouvernement congolais, au travers de son porte-parole, a accusé « une certaine Belgique » de rechercher « à remettre le grappin sur la RDC » et la MP, famille politique du Chef de l'Etat, a qualifié cette plainte de pratique d’« harcèlement judiciaire » utilisé comme « instrument d’ingérence dans les affaires intérieures d’Etat ».
Mais du côté des parties civiles, on se réjouit de l’ouverture de cette enquête et on espère que celle-ci aboutisse à des poursuites contre M. Thambwe Mwamba. Or si juridiquement cela est plausible, du fait qu'il est résidant belge et peut donc être soumis à la compétence universelle de la Belgique, du point de vue des relations internationales, le risque d’incidents et de conflits diplomatiques n’est pas à négliger.
En effet, en tant que ministre de la justice (et tant qu’il restera au gouvernement), Alexis Thambwe Mwamba jouit (et jouira) de la règle de droit coutumier international qui octroie aux dirigeants d’un Etat et à ses hauts responsables et diplomates, l’immunité pénale de juridiction devant les juridictions nationales des Etats étrangers. Or la Belgique en tant que pays signataire de la Convention de Vienne se doit de respecter cette coutume internationale.
D’autant plus qu’un antécédent du même genre entre la Belgique et la RDC a déjà été tranché en faveur du Congo. Ainsi, dans son arrêt du 11 avril 2000, la Belgique s’était vue condamner par la Cour International de Justice (CIJ) pour l’affaire du mandat d’arrêt international lancé par Bruxelles contre le ministre des affaires étrangères congolaise en exercice, Yerodia Abdoulaye Ndombasi, pour avoir tenu 2 ans auparavant, lorsqu’il n’était alors que Directeur du Cabinet du Mzee Kabila, des propos jugés génocidaires en appelant la population congolaise à éradiquer la « Vermine » rwandaise lors du début de la 2ème guerre d’invasion du Congo par le Rwanda.
La CIJ avait, à cette époque, rappelé à la Belgique le principe de la suspension de toute action intentée contre une personne bénéficiant d'une immunité, même pour des faits postérieurs à cette immunité, et ce pendant toute la durée de son immunité et ce, malgré qu’il s’agisse de crime de guerre ou contre l’humanité.
Elle avait aussi établi que seules les juridictions pénales internationales ayant compétence pour outrepasser cette immunité, telle que la CPI, pouvait intenter des actions contre des chefs d’Etat ou de gouvernement, de même que des hauts responsables d’Etat, en exercice. En revanche, toute poursuite devant des juridictions nationales est impossible tant que dure l'immunité.
Ainsi donc, bien que les fantômes du passé sont en train de refaire surface, le chemin est encore long avant de voir ceux-ci se mettre réellement à hanter le ministre congolais de la Justice, M. Alexis Thambwe Mwamba...
Source: Adiac-Congo/RO/MCN, via mediacongo.net
Articles liés à ce sujet
Les plus commentés
Politique Plainte contre Alexis Thambwe : Lambert Mende accuse Reynders !
16.06.2017, 92 commentairesDiaspora Bruxelles: la justice belge ouvre une enquête contre Alexis Thambwe Mwamba pour crime contre l’humanité
14.06.2017, 66 commentairesPolitique Affaire Thambwe Mwamba: "C'est un harcèlement judiciaire", condamne la MP
17.06.2017, 66 commentaires
Ils nous font confiance