
J’entends souvent les députés évoquer la question de bonne gestion des ressources de l’Etat. Je me suis intéressé à savoir combien l’Assemblée nationale reçoit de l’Etat et qu’est-ce qu’elle en fait. Je suis désolé de constater que les ressources publiques sont mal gérées par les donneurs de leçon.
Le peuple congolais mérite d’être informé sur la gestion des institutions de la République et essentiellement l’Assemblée nationale constituée par les députés élus à l’issue des campagnes électorales faites avec des promesses pour améliorer la qualité de vie des électeurs, une fois au Palais du peuple.
Le présent article sera focalisé sur le budget de l’Assemblée nationale au cours de ces trois dernières années, le fonctionnement et la rémunération des honorables députés.
Budget de l’Assemblée nationale
Dans la loi des finances (budget du gouvernement central), l’Assemblée nationale a deux sections, à savoir : 18 « Assemblée nationale » et 66 « Administration de l’Assemblée nationale ». L’analyse portera essentiellement sur la section 18.
Les lois des finances des années concernées présentent les chiffres ci-dessous :
N°
Libellé
Année 2013
Année 2014
Année 2015
1
Fonctionnement
100.470.843.177
108.375.183.000
110.079.183.000
2
Interventions économiques, sociales, culturelles et scientifiques
1.000.000.000
2.000.000.000
1.000.000.000
3
Investissements sur ressources extérieures
0
0
1371.469.830
4
Investissements sur ressources propres
0
6.196.855.000
3.062.704.729
5
Rémunérations
51.920.528.113
51.920.528.000
51.920.528.124
Total
153.391.371.290
168.492.566.000
167.433.885.683
Variation
9,84%
(0,63%)
Au cours de ces exercices budgétaires, le budget du fonctionnement est demeuré toujours croissant. Globalement, la variation entre 2014 et 2013 est très significative, soit 9,84%.
Comme l’indique le tableau ci-dessus, le budget de l’Assemblée nationale représente plus de la moitié du budget de l’Etat en 2001. Toutefois, le taux d’exécution est variable selon les rubriques. Cependant, le taux de 100% a été observé pour les rémunérations. Par ailleurs, la comparaison du ratio de ce budget au PIB à d’autres pays montrerait que cette entité coûte cher au pays.
Un député congolais touche près de $US 11.000 contre $US 100 pour un militaire et moins pour un enseignant. Or, je n’ai jamais entendu un député réclamer l’augmentation du salaire de cette catégorie sociale si ce n’est le sien uniquement.
Le budget de fonctionnement
La progression haussière est du fait de l’augmentation du fonds spécial d’intervention. Cette rubrique représente à elle seule, sur les trois années, 99% du fonctionnement.
Ce fonds spécial d’intervention enregistre les dépenses de la nature suivante :
complément de rémunérations ;
frais sessions (ordinaires et extraordinaires ) ;
titres de voyage vacances parlementaires ;
primes congrès ;
litige Députés honoraires, etc.
En 2014, le complément de rémunérations a été chiffré à FC 23.317.991.453,28, soit une moyenne mensuelle de FC 3.886.331,91 par député. Il est certain que ce complément n’a pas fait l’objet de la retenue de l’impôt professionnel sur les rémunérations (IPR). Et pourtant, cette chambre du Parlement devrait servir de modèle pour permettre la culture de l’impôt à tous les niveaux. Voilà une belle façon de tricher de l’Assemblée nationale
Pour ce qui est de titres de voyage pour les vacances parlementaires, le Trésor public aurait déboursé par député l’équivalent de francs congolais de $US 3.300 à chaque vacance parlementaire si pas le double.
Quant aux membres du bureau, ils recevraient chacun en moyenne un complément de $US 48.000 par vacances. De mon expérience, je n’ai jamais entendu qu’une telle somme ait déjà été décaissée pour les vacances parlementaires même dans un pays développé.
Cette propension à consommer les ressources publiques montre qu’en République Démocratique du Congo la politique est faite pour s’enrichir facilement. Où est le sens du service public au bénéfice de cette population qui vous a placé dans cette chambre ? On ne va pas à l’Assemblée nationale pour s’enrichir. Si on veut faire de l’argent, on va dans le secteur privé.
Le principe de financer les vacances parlementaires est une pratique universelle comme c’est le cas pour le financement des partis politiques. Toutefois, il faut tenir compte de la réalité. Il n’est pas normal qu’un élu de Kinshasa ou du Kongo central perçoive la même allocation que son collègue de Kalemie, par exemple. La gestion à base forfaitaire est une résultante d’un déficit d’une gestion rigoureuse. Tout ceci montre l’absence d’un bon leadership et de gouvernance de cette chambre.
Cette rubrique « Fonds spécial d’intervention » est un fourre-tout. Une réduction de 50% de cette rubrique donnerait des moyens à l’Etat pour entretenir au moins 5.800 Kms de route pour une moyenne de FC 9.300.000 par kilomètre en HIMO tenant compte de l’état dégradé de certains tronçons.
Ceci aurait l’avantage de procurer du travail à la population et de désenclaver les territoires du pays. Par ce travail, cette population pourrait améliorer sa qualité de vie. Un autre impact serait la stimulation des agriculteurs pour écouler les récoltes vers les grands centres. Depuis la création, il a été demandé à l’homme de cultiver la terre. Donc, le travail est noble et fondamental.
Les actes de générosité, la distribution d’argent ou de boisson ne peuvent pas aider la population à s’épanouir durablement.
La population de la RDC est jeune. Une fois mise au travail, le pays réalisera des progrès immenses dans tous les secteurs. La consommation des ressources par les défenseurs du peuple est pire que ce que fait le voleur qui casse nuitamment la maison d’un paisible citoyen pour y dérober ses avoirs acquis à la sueur de son front.
La rémunération
L’enveloppe de rémunérations n’a pas varié depuis 2013. En 2013 et en 2014, les montants des crédits ont été consommés en totalité. L’année 2015 est en encore en pleine exécution.
En 2014, sur le montant décaissé de FC 51.920.528.112,96, les députés auraient perçu un net de FC 45.165.599.400,00 et la DGI un montant de FC 6.754.928.712,96 au titre d’IPR.
Pour besoin de transparence, le montant éludé dans le fonds spécial d’intervention devrait apparaître et figurer dans les rémunérations afin de permettre le payement des impôts correspondants. Refuser de le faire n’est rien d’autre que la volonté délibérée de maintenir l’opacité dans la gestion de fonds publics alloués à cette chambre.
Payer ses impôts est un devoir civique. Les impôts constituent des ressources régaliennes pour l’Etat. Ce dernier en a besoin pour le financement des institutions, la sécurité, les infrastructures, etc. Bref, l’Etat a besoin de ces moyens pour assurer sa mission de pouvoir public. Les lui priver est un crime à réprimer.
L’étonnement est de voir le mutisme du Gouvernement face à cette dérive de gouvernance alors même que ce gouvernement prône à tout vent la bonne gestion des finances publiques. A moins que son animateur évite de s’exposer à la vindicte de l’Assemblée nationale.
Au regard de ce qui précède, les lecteurs peuvent se faire une opinion sur la gestion de la chambre basse du parlement.
A suivre…