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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 04 juin 2024
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Experts de l’ONU tués en RDC: interrogations autour du rôle d’agents de l’Etat

2017-12-20
20.12.2017
2017-12-20
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Les experts de l'ONU Zaida Catalan et Michael Sharp, disparus dans le Kasaï le 12 mars 2017 et retrouvé mort le 27 mars.

Des agents de l’Etat et affiliés ont participé à l’organisation de la mission qui a coûté la vie à deux experts de l’ONU le 12 mars 2017. C’est ce qui ressort d’une enquête menée conjointement par RFI et Reuters sur la base d’éléments issus du dossier d’instruction de la justice militaire congolaise, fruit d’une coopération avec l’ONU. Ces pièces n’ont été mentionnées ni au cours du procès ouvert en RDC, ni dans le rapport d’un comité d’enquête mis sur pied par les Nations unies. Le gouvernement congolais et l’ONU se disent pourtant prêts à chercher la vérité quels que soient les auteurs du meurtre.

Le 26 juillet 2017, près de deux mois après le début du procès des assassins présumés des experts onusiens, coup de théâtre à Kananga. L’auditeur militaire révèle en pleine audience détenir « un flash disk de plus de 10 Giga » de fadettes, ces relevés téléphoniques des appels et messages émis et reçus. Il promet des révélations. « Je suis porté à croire que l’exécution des experts ne pouvait pas être décidé par une simple milice ». Les mots si lourds de sens du lieutenant-colonel Jean Blaise Bwamulundu Guzola provoquent un murmure sans fin dans la salle d’audience. La défense exige immédiatement qu’un expert en télécommunications soit entendu pour présenter à la cour l’analyse de ces relevés téléphoniques. Requête acceptée.

L’expert n’est jamais venu et les avocats des douze miliciens accusés affirment toujours attendre d’avoir accès à ces fadettes dont la divulgation publique, de l’opinion même de l’auditeur militaire très en verve ce jour-là, pourrait mettre en fuite les commanditaires du meurtre. Ce sont ces relevés téléphoniques et d’autres pièces du dossier d’instruction réunis par la justice militaire et l’ONU entre mars et mai 2017 que RFI et Reuters ont pu consulter. Depuis le 5 juin 2017 et l’ouverture de ce procès-fleuve, aucun des individus auxquels ces numéros « sensibles » appartiennent n’a comparu. 

 

 

Kamuina Nsapu, la mort d'un chef © RFI

 

L’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalan sont assassinés le 12 mars dernier non loin de Bunkonde, dans la province du Kasaï Central en proie depuis quelques mois à une insurrection et une répression sans précédents. C’est la première fois que des experts de l’ONU sont tués en République démocratique du Congo. Leur exécution est filmée, diffusée publiquement. Le gouvernement congolais a immédiatement ouvert une enquête et accuse aujourd’hui encore des miliciens insurgés, les « Kamuina Nsapu » de les avoir assassinés. Le rapport du comité d’enquête mis sur pied par Antonio Guterres après le meurtre ne suggère finalement pas autre chose.

Les accusés du procès de Kananga

Malgré l’annonce fracassante du 26 juillet 2017, le procès de Kananga continue à se perdre dans des débats sans fin sur l’âge des prévenus. La liste des accusés s’allonge au fil des mois. En décembre 2017, vingt-six noms y figurent. Ils ont été deux, puis quatre et aujourd’hui douze sur vingt-six à être arrêtés et se retrouver sur les bancs du tribunal de Kananga, tous de présumés miliciens qui nient en bloc. Certains se disent détenus au secret depuis des mois, torturés, d’autres affirment ne pas comprendre leur lien avec le dossier. Quant aux trois chefs de milices accusés d’avoir ordonné le meurtre, ils sont en fuite et ne se sont jamais exprimés sur le dossier.

Sur la vidéo du meurtre, il est possible de distinguer quelques visages. Un seul des accusés a été formellement identifié sur la vidéo. Pour la justice militaire congolaise et l’ONU, Evariste Ilunga, dit « Beau gars », est ce milicien, en chemise noire et bandeau rouge flambant neuf, qui fuit au premier coup de feu pour ne réapparaître qu’après l’assassinat. Le scénario dessiné au fil des audiences par l’auditeur militaire, comme des pages du rapport du comité d’enquête de l’ONU, laisse entendre que les experts seraient tombés entre les mains de miliciens cupides qui les auraient volés et exécutés. Michael Sharp et Zaida Catalan auraient juste été au mauvais endroit, au mauvais moment.

Les éléments de preuves amassés par la justice militaire congolaise, appuyée par l’ONU, entre mars et mai 2017 suggèrent que l’enquête avait pourtant pris une tout autre direction. Dans le dossier d’instruction, des documents relatifs aux victimes comme aux suspects, des PV d’auditions et les fameuses fadettes évoquées par l’auditeur militaire. Sans surprise, on y retrouve le chef de milice Vincent Manga, jugé par contumace pour ce meurtre ou encore les principales figures de l’opposition dans la province, dont deux députés, Clément Kanku et Martin Kabuya, accusés dans les médias, mais aussi quatre agents de l’Etat et affiliés : deux colonels de l’armée congolaise, un « informateur » de l’ANR et un ancien agent.

L’ANR confirme le rôle d’un « informateur bénévole »

Trois de ces agents et affiliés sont directement impliqués dans l’organisation de la mission qui a coûté la vie aux deux experts. Ils ont inspiré à Michael Sharp et Zaida Catalan ce déplacement et leur ont fourni les moyens matériels et humains pour se rendre à Bunkonde. Plus troublant, et c’est ce que révélait la précédente enquête de RFI, certains individus sont allés jusqu’à mentir aux deux experts onusiens sur les conditions de sécurité du lieu où ils comptaient les emmener.

Lorsqu’en avril 2017, l’auditeur militaire lance deux requêtes successives auprès des opérateurs Airtel et Vodacom, sur insistance de la Monusco, il ajoute des numéros dits « sensibles ». L’un de ces numéros est attribué à un certain Jose Tshibuabua. Le jour du meurtre, ce dernier échange toute la matinée avec le présumé interprète des experts, Betu Tshintela. José Tshibuabua est son cousin et communique avec lui à 12h06, en ce 12 mars 2017, le coup de fil dure dix-neuf secondes à peine.  C’est le dernier contact confirmé avec un membre de l’équipe avant l’assassinat des deux experts. Sur son profil Facebook, José Tshibuabua se dit employé à « ANR, services des ranseignemants » (sic).

 

 

José Tshibuabua ne cache pas son appartenance à l’ANR. © RFI

 

Le patron des renseignements congolais confirme à RFI et Reuters que José Tshibuabua travaillait pour l’Agence nationale de renseignements au moment de l’assassinat des deux experts. « C’était un informateur bénévole de l’ANR, un informateur, ce n’est pas un collaborateur dans le sens d’un agent », minimise Kalev Mutond. Au vu de ses relevés téléphoniques, José Tshibuabua était un informateur plutôt assidu, non seulement du directeur provincial de l’ANR, mais aussi celui de la DGM, la Direction générale de migration, l’un des trois principaux services de sécurité congolais qui recrute très officiellement José Tshibuabua quelques semaines après le meurtre.

La veille de l’assassinat, le samedi 11 mars 2017, José Tshibuabua se présente à l’hôtel Woodland aux environs de 10h. Il y retrouve son cousin, Betu Tshintela et les deux experts. « Ils étaient tout un groupe avec eux dans l’avant-midi », se souvient un employé du Woodland, l’un de ces établissements où tout le monde se croise, très fréquenté à l’époque par les Nations unies, en pleine phase de déploiement face à une crise du Grand Kasaï qui faisait de plus en plus de victimes. Ce jour-là, Michael Sharp et Zaida Catalan ont rendez-vous avec l’un des féticheurs des Kamuina Nsapu, un vieux du village, François Mwamba. C’est un parent des deux cousins, Jose Tshibuabua et Betu Tshintela qui, depuis plusieurs semaines, négocie avec le gouvernement en vue d’un accord de paix.

 

Bunkonde, l'execution de deux experts ONU © RFI

 

L’entretien est enregistré en micro caché par Zaida Catalan, l’experte suédoise. Une copie a été versée au dossier de l’enquête de l’ONU et de la justice militaire congolaise. Présenté comme le « père biologique de feu Kamuina Nsapu », le vieux chef met en garde les deux onusiens contre l’idée d’aller à Bunkonde. Il insiste dans sa langue, le ciluba, pour les emmener dans le village de Kamuina Nsapu, le berceau de l’insurrection. Le féticheur explique ouvertement qu’il n’a pas le contrôle sur les milices de la zone de Bunkonde. L’ « informateur bénévole » José Tshibuabua et « l’interprète » Betu Tshintela ne traduisent pas les mises en garde de leur vieux parent, ils lui font même dire tout le contraire, promettant aux experts, au nom du féticheur des Kamuina Nsapu, d’assurer leur sécurité. Betu Tshintela se propose même de les accompagner, assure qu’il a pris tous les contacts nécessaires sur le terrain à la rencontre de groupes de ces miliciens que les deux cousins disent représenter.

Kinshasa « pas informée » de la mission des experts

Huit mois après la mort des deux experts, le 14 novembre 2017, José Tshibuabua est porté disparu dans le territoire de Luiza alors qu’il occupe une fonction officielle. « José Tshibuabua, c’est aujourd’hui un inspecteur adjoint à la direction général des migrations, c’est un ancien collaborateur du chef de poste de l’ANR à Kananga, il a une relation sérieuse avec la DGM et l’ANR », confie une source sécuritaire. Pendant plusieurs jours, le sort de l’inspecteur Tshibuabua reste incertain.

« Nous l’avons arrêté à la frontière avec le Congo et l’Angola. J’ai donné l’ordre », révèle Kalev Mutond, l’administrateur général de l’Agence nationale des renseignements. Parmi les faits qui valent à José Tshibuabua cette mise au secret, il y a, selon l’ANR, sa participation à la réunion de planification du 11 mars 2017 avec « des terroristes Kamuina Nsapu que nous recherchons », souligne à plusieurs reprises Kalev Mutond. C’est encore José Tshibuabua qui a fourni aux experts les motos taxis et les chauffeurs, toujours portés disparus, qui ont conduit les experts à Bunkonde. « Même celui qui est cité dans un rôle mineur, je l’arrête », assure Kalev Mutond.

L'avocat de José Tshibuabua s'est inquiété de l'état de santé de son client après sa détention à Kinshasa. « Il dit lors de sa première audition qu'il n'est pas en bonne santé, je soupçonne qu'il a été torturé », explique Maître Trésor Kabangu. Celui qui est aussi l'avocat de plusieurs des accusés du procès de Kananga affirme que José Tshibuabua a été brièvement hospitalisé depuis son retour au Kasaï Central, mais qu'il a dû retourner en prison, « faute d'argent ». « L'auditeur supérieur l'a inculpé pour meurtre et participation à un mouvement insurrectionnel avant même la fin de son audition », déplore son conseil. Selon Me Trésor Kabangu, le rôle de José Tshibuabua se limiterait à avoir aidé le gouvernement provincial à ramener des membres de la cour royale du défunt chef Kamuina Nsapu à Kananga pour négocier un accord de paix. Ce serait uniquement pour cette raison qu'il aurait assisté à la réunion du 11 mars 2017 avec le vieux féticheur, François Muamba.

Le gouvernement congolais dément depuis le premier jour avoir été informé de la mission des deux experts. Interrogé sur le rôle joué par José Tshibuabua, son porte-parole, Lambert Mendé, assure n’en avoir jamais entendu parler. « S’ils avaient des contacts avec des informateurs, ça n’a pas été rapporté au gouvernement », insiste le ministre de la Communication. « Nous ne demandons qu’à être informés, s’il y a un agent de l’Etat qui est impliqué, il sera poursuivi et jugé », promet-il. C’est lui qui, le 18 mars 2017 sur l’antenne de RFI, avait justifié une restriction de mouvement imposée à la Monusco par la disparition des experts, comme ce sera le cas plus tard pour la presse étrangère. « Les experts arrivent à Kinshasa incognito, prennent l’avion incognito, quittent Kananga avec des motards sans rien signaler aux autorités », avait martelé le porte-parole du gouvernement congolais. « On aurait pu leur donner une escorte, on aurait pu leur déconseiller ». Pourtant, les relevés téléphoniques réquisitionnés par la justice militaire démontrent à eux seuls que les deux experts étaient en contact durant leur séjour à Kananga avec toute sorte de personnalités provinciales et nationales comme le président de l’Assemblée du Kasaï Central, Augustin Kamuitu et le colonel Augustin Mamba des renseignements militaires. Rien n’indique que ces deux personnalités aient joué un rôle dans l’organisation de la mission des experts à Bunkonde.

 

RFI / MCN, via mediacongo.net
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fausseliberation @79WIPZ6   Message  - Publié le 20.12.2017 à 11:40
Bien dit ALTERNANCE, la Monusco lui-même est le premier complice et ce sont des innocents qui seront arrêtés, nous les Congolais nous connaissons comment on prépare ce genre de recettes, ça ne date pas d"aujourd'hui. ça ce n''est qu'un début, attendez voir la suite.

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Je suis RDC @4EJDR32   Message  - Publié le 20.12.2017 à 08:47
On ne cessera de le dire: kabila est directement implique dans cet assassinant car certains de ses collaborateurs agissent sans même son avis pour lui faire du plaisir.

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ALTERNANCE @MW5W5G3   Message  - Publié le 20.12.2017 à 08:39
L'ONU protège JKK et ce dernier tue le travailleurs de l'ONU où est le problème?

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Zairois @Y5GIOO8   Message  - Publié le 20.12.2017 à 08:01
En RDC, l'état n'existe pas, l'ONU doit éviter de protéger Kabila pour ses propres intérêts. Il faut instaurer un état de droit avant de chercher toutes vérités sur l'assassinat des ses experts.

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fausseliberation @79WIPZ6   Message  - Publié le 20.12.2017 à 07:47
La vérité est têtue, tôt ou tard elle se révélera au grand jour !

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